Extrait
La déchirure de l’organisateur
Se réveiller. Sortir de soi. De l’engourdissement.
Chercher le face-à-face qui remet en cause le beau. Le laid. Le triste. Le gai. Comme cette danse au Puy-en-Velay, en 1988, une danse un peu nue, un peu crade, un peu primaire, interprétée par une personne autiste très cognée.
Je souffrais de voir cette femme. Il y avait un mal à l’aise.
Un malaise qu’elle soit là ?
Je ne savais pas. Je ne savais plus. Ce que je savais, c’est que je n’étais pas un public complaisant, facile.
Je suis même assez redoutable.
Je décrochais de la performance, ma tête gambadait.
Du dégoût. Je ressentais littéralement du dégoût. Pendant la pièce je commençais à réfléchir sur ce que j’allais dire. Pour raconter aux absents.
J’étais paumé. Je reprenais la grille habituelle d’évaluation des spectacles :
Est-ce que c’est beau, est-ce que c’est laid ?
C’est laid.
Est-ce que tu es ému ?
Complètement.
Ce spectacle déplaçait ma grille d’évaluation du monde. A contrario, quand je me retrouve dans des choses un peu esthétisantes, bien chiadées, ça ne me fait plus grand-chose.
Trop convenu. Plat.
Tout ça est bien évidemment très personnel.
Cette danse contribua à l’idée du festival ART ET DÉCHIRURE. Un choc esthétique majeur relayé par la rencontre avec le Taiseux. Un Disert et un Taiseux, une onde de choc, un dépoussiérage des regards et des écoutes, un coup de balai sur les préventions et les conditionnements. Fi des ornières culturelles !
Une onde de choc qui se propage encore.
Alors infirmier en hôpital psychiatrique, je fus l’initiateur d’une grève dure, si dure que je fus « puni » et « déplacé » dans un service d’animation. Un service dirigé par un chef en fin de carrière. Un chef alcoolique. Un chef nostalgique. Un malade supérieur « hors catégorie ».
Inutile de préciser que je tournais en rond. Les experts pronostiquaient la maladie de l’ennui. Mon cas était particulièrement inquiétant. Le corps médical ne disposait pas, à l’époque, de traitement pour la chose. À tourner en rond, je devins plus fou que les fous. Peut-être est-ce pour me soigner que je passais mon temps à visiter des expositions d’Art brut, à assister à des performances telle cette fameuse danse au Puy-en-Velay