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Sciences humaines
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Pour les nazis, la "culture" était à l'origine la simple transcription de la nature : on révérait les arbres et les cours d'eau, on s'accouplait, se nourrissait et se battait comme tous les autres animaux, on défendait sa horde et elle seule. La dénaturation est intervenue quand les Sémites se sont installés en Grèce, quand l'évangélisation a introduit le judéo-christianisme, puis quand la Révolution française a parachevé ces constructions idéologiques absurdes (égalité, compassion, abstraction du droit...).
Pour sauver la race nordique-germanique, il fallait opérer une 'révolution culturelle', retrouver le mode d'être des Anciens et faire à nouveau coïncider culture et nature. C'est en refondant ainsi le droit et la morale que l'homme germanique a cru pouvoir agir conformément à ce que commandait sa survie. Grâce à la réécriture du droit et de la morale, il devenait légal et moral de frapper et de tuer.
Avec ce recueil d'études, Johann Chapoutot parachève et relie le projet de deux de ses livres précédents, Le National-socialisme et l'Antiquité (2008) et La Loi du sang : penser et agir en nazi (2014). En approfondissant des points particuliers, comme la lecture du stoïcisme et de Platon sous le IIIe Reich, l'usage de Kant et de son impératif catégorique ou la réception en Allemagne du droit romain, il montre comment s'est opérée la réécriture de l'histoire de l'Occident et par quels canaux de telles idées sont parvenues aux acteurs des crimes nazis. -
Devant l'ampleur et le caractère inédit des crimes nazis, les historiens butent sur la causalité profonde, qui reste obscure. Ces comportements monstrueux s'appuient pourtant sur des fondements normatifs et un argumentaire juridique qu'il faut prendre au sérieux. C'est ce que fait ici Johann Chapoutot dans un travail majeur qui analyse comment les philosophes, juristes, historiens, médecins ont élaboré les théories qui faisaient de la race le fondement du droit et de la loi du sang la loi de la nature qui justifiait tout : la procréation, la guerre génocidaire, la domination.
Une profonde connaissance de l'immense littérature publique ou privée - correspondances, journaux intimes -, de la science et du cinéma du temps, révèle comment les acteurs se sont approprié ces normes qui donnent sens et valeur à leurs manières d'agir : tuer un enfant au bord de la fosse relève, à les entendre, de la bravoure militaire face à l'ennemi biologique.
Si le métier d'historien consiste à comprendre et non à juger, ou à mieux comprendre pour mieux juger, ce livre, devenu un classique et primé par Yad Vashem, jette une lumière neuve et originale sur le phénomène nazi.