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Maryline Desbiolles
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Emma Fulconis : on ne voit qu'elle à L'Escarène, dans cet arrière-pays niçois où elle est née. Prompte, virevoltante, rebelle à tout, sauf au vent, elle a toujours galopé dans les collines. Enfant déjà, on la surnommait « l'athlète ». Se moquant bien des compétitions, Emma « ne court pas relativement, mais absolument ».
Mais un jour, sa vie bascule : son ami Stéphane Goiran, avec qui parfois elle écoute un peu de musique lors d'une halte, l'invite chez lui. Là, à peine la porte franchie, un chien énorme se jette sur elle, et lui lacère la jambe, ou plus exactement le péroné, également appelé « l'agrafe ». S'ensuivent des mois d'hôpital et de rééducation, à l'issue desquels il est clair qu'Emma ne détalera plus jamais à toute allure.
Mais l'accident ne l'arrête pas dans son élan. Hantée par la phrase du père Goiran expliquant pourquoi il n'a pas retenu son molosse - « Mon chien n'aime pas les Arabes -, elle tente de comprendre ce qu'elle sait déjà, mais dont on ne parle pas. Tenace, elle va surtout trouver en elle la ressource d'un nouveau mouvement, un tremblement d'abord, une oscillation, presque une danse immobile.
Il fallait le talent de Maryline Desbiolles, convoquant la parole des villageois comme un choeur antique, pour nous mener, au rythme même de la course empêchée d'Emma, sur le chemin d'une aveuglante réalité : celle d'un pays où les blessures de la guerre d'Algérie sont tapies dans les mémoires. Pour autant, même boiteuse, exhibant crânement sa cicatrice, jamais Emma Fulconis ne cessera d'aller de l'avant, exerçant sur nous, de son invraisemblable grâce, un charme puissant. -
Il n'y aura pas de sang versé
Maryline Desbiolles
- Sabine Wespieser éditeur
- 2 Mars 2023
- 9782848054827
Au tournant de l'année 1868, elles sont quatre très jeunes femmes à converger vers les ateliers de soierie lyonnaise où elles ont trouvé à s'employer : « ovalistes », elles vont garnir les bobines des moulins ovales, où l'on donne au fil grège la torsion nécessaire au tissage.
Rien ne les destinait à se rencontrer, sinon le besoin de gagner leur vie : Toia la Piémontaise arrive à Lyon en diligence, ne sachant ni lire ni parler le français, pas plus que Rosalie Plantavin, dont l'enfant est resté en pension dans la Drôme, où sévit la maladie du mûrier. La pétillante Marie Maurier vient de Haute-Savoie. Seule Clémence Blanc est lyonnaise : elle a déjà la rage au coeur après la mort en couches de l'amie avec qui elle partageait un minuscule garni, rue de la Part-Dieu.
Les mettant littéralement en mouvement par la grâce de sa langue nerveuse et inventive, Maryline Desbiolles imagine ses quatre personnages en relayeuses, à se passer le témoin dans une course vers la première grève de femmes connue.
C'est en juin 1869 que la révolte éclate : les maîtres mouliniers font la sourde oreille aux revendications des ouvrières qui réclament de meilleures conditions de travail et de logement. Les filles s'enhardissent, le mouvement s'amplifie et dès lors le livre avance au rythme exaltant d'une troupe féminine s'autorisant enfin à ne plus courber l'échine : nos quatre relayeuses y apparaissent comme en couleur, dans une foule anonyme en noir et blanc, titubantes dans l'élan de leur propre audace.
Donner vie et chair à leurs émotions, leurs élans et leurs expériences est le plus bel hommage qui pouvait être rendu à ces oubliées de l'histoire. -
De la ferme du Lot où il est né en 1940 - et où il a appris l'économie de la pénurie - jusqu'au hangar-atelier où Bernard Pagès assemble les matériaux de toutes sortes (récemment des clefs de 13) composant ses sculptures, qu'exposent aujourd'hui musées et galeries du monde, ce livre retrace le cheminement d'un des artistes marquants de son temps.
Maryline Desbiolles, née en 1959, a connu l'oeuvre avant l'homme : de son propre aveu, cette conversation est pour elle une tentative d'élucidation. L'entretien au long cours ici publié - mené d'octobre 2020 à janvier 2022 - se nourrit d'un dialogue ininterrompu et d'une fréquentation quotidienne des pièces produites. Il les éclaire, de même que le parcours entier du créateur, par le choix qu'a fait l'écrivaine de restituer sa parole quasi brute. Dans ses réponses factuelles, pragmatiques, rocailleuses parfois, synthétiques toujours, où la justesse du mot et la précision du propos apparaissent comme une préoccupation permanente, Pagès en dit bien plus long sur sa pratique que ne le feraient de savants commentaires. On comprend notamment pourquoi ce jeune artiste formaliste, qui changea sa manière après avoir été bouleversé par la découverte des Nouveaux réalistes fin 1967, et qui un temps appartint au mouvement Supports/Surfaces, travaille aujourd'hui en solitaire, loin de toute posture et de toute chapelle : « Mes sculptures sont fragiles de toute manière. Elles sont fabriquées de nombreux éléments disparates, ce qui les fragilise. Ça me tracasse. J'essaie de ne pas y penser. Je connais les faiblesses de chacune, si je m'écoutais j'en referais certaines, entièrement, mais je ne peux pas passer mon temps à réparer des sculptures anciennes, j'ai encore des trucs à faire. » -
Qui peut dire si quelque chose tourmente encore le vieil Anchise, si quelque rêve l'habite toujours dans sa dure solitude, si les collines qui l'entourent, et qu'il a rendues depuis longtemps à la sauvagerie, lui renvoient encore quelque écho, quelque bruissement, quelque rire du bonheur étincelant qu'il vécut autrefois, il y a bien longtemps, avec sa jeune femme qui était si blonde que tout le monde l'appelait la Blanche ?
Dans ce livre, il est dit de la Blanche qu'elle était menue et saisissante comme une ablette, avec son ventre d'argent qui troue les eaux les plus noires. Qu'elle était merveilleuse et insignifiante comme l'ablette. Qu'elle était inattendue et commune comme l'ablette et que, comme l'ablette, elle ignorait que ses écailles scintillantes avaient le pouvoir de changer les eaux les plus noires en voie Lactée.
Mais de leur après-midi d'amour dans la forêt de mimosas en fleur au-dessus du village, un dimanche de février, s'en souvient-t-il, Anchise ? Et des abeilles et des ruches qu'il aimait tant, s'en souvient-il, aussi ?
Comment faire renaître, une dernière fois, l'incandescence première ? Comment se jeter une fois pour toutes dans la lumière du grand amour perdu ?
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La cuisine et la littérature sont deux arts qui ne souffrent ni diversion ni échappatoire : il faut se tenir intensément à ce qu'on fait. Mais que se passe-t-il quand on conjugue les deux, se pliant aux contraintes de l'une, par exemple une recette de seiches farcies, tout en laissant la bride sur le cou à son imagination et à la rêverie ?
D'un côté, on est en temps réel, chaque chapitre correspond à un moment de la préparation culinaire, et, de l'autre, tous les temps se bousculent : celui des souvenirs et de l'enfance, des obsessions douloureuses qui refont surface, de tragédies obstinées qu'évoque le ventre arrondi des mollusques que notre cuisinière dispose avec soin sur la planche à découper.
A quoi pense donc cette femme qui n'en finit plus de caresser ces fins tentacules ondoyants ?
Ne sommes-nous pas au cœur de la mélancolie amoureuse ? "A un cheveu du royaume des ombres ?"
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« Il venait d'une ville noire, pas autant que cette nuit de désastre mais bien sombre tout de même, il venait d'une ville noire, les pêchers, il avait trouvé ça très beau. »
Embauché sur le chantier du barrage de Malpasset, près de Fréjus - qui va « changer la vie des gens », s'enthousiasme son ami René -, François quitte Ugine, la ville-usine, et son enfance silencieuse. Il découvre avec émerveillement la vallée rose, les bains de mer, la photo, les conversations politiques des camarades ouvriers. Et il tombe amoureux de Louise Cassagne, la fille d'un producteur de pêches. « Pas une fille pour toi », lui dit-on. Pourtant c'est elle qui lui donne le monde, et François croit en ce cadeau autant qu'en la solidité du barrage.
De son écriture envoûtante et ciselée, Maryline Desbiolles retrace avec une grande justesse la violence de la rupture. -
Fiction & Cie
Primo
Depuis quelque temps le personnage de ma grand-mère italienne, ce que je savais d'elle, mais surtout ce que je ne savais pas, pas bien, me tirait par la manche, faisait des apparitions dans mes livres. J'ai voulu voir de plus près.
Je suis allée à Turin, où elle s'était rendue dans les années 30, en plein régime mussolinien, pour accoucher de son deuxième enfant, accompagnée du premier-né, Primo, qui disparut alors mystérieusement. Je suis allée à Annecy où l'empoigna un autre drame, à la Libération, en pleine fête du 14 Juillet. À Annecy où elle est morte au début du troisième millénaire.
Je n'ai jamais eu le sentiment de me retourner, de fouiller un passé confit auquel je devais rendre hommage. C'était un mouvement qui m'emportait, qui m'inventait, mes origines étaient au-devant de moi, et elles avaient éternellement le goût de la première fois.
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En 1983 a lieu la « Marche pour l’égalité et contre le racisme », de Marseille à Paris avec quelques détours. Ce mouvement non violent, lancé notamment par Christian Delorme, curé engagé de la banlieue de Lyon, réunit des filles et des garçons, dont Toumi Djaïdja, qui fut gravement blessé d’une balle tirée par la police. On tabasse aux Minguettes comme dans tout le pays où on ne compte plus les agressions ni même les meurtres contre les « Arabes ». C’est le fruit amer d’une décolonisation mal acceptée.
En évoquant ce moment de notre histoire, Maryline Desbiolles interroge sans concession notre relation à l’autre, et plus particulièrement notre rapport convulsif à l’Algérie. C’est un livre d’indignation contre ce qui nous gangrène, contre le refus de l’étranger. Il est porté par une langue puissante, parfois litanique, comme un chant qu’on ne peut étouffer. -
Elle s'appelait Violante. Elle était arrivée après nous à l'école, et elle restait toujours un peu à l'écart. Avec sa tignasse de cheveux noirs, sa tache rouge sur la joue et son regard de flamme, elle ressemblait à une sorcière. On s'en méfiait, et on s'en moquait. Elle nous inquiétait, et elle nous fascinait. Mais quel était son secret ?
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Un chien noir, familier et inquiétant à la fois, traverse le livre et le paysage. Ce paysage, c'est celui d'Anchise, apiculteur farouche, veuf inconsolé qui, sur le tard, s'est suicidé par le feu. Aubin était alors un enfant. Il a peu connu son grand-oncle, mais en secret il a joué dans sa maison abandonnée. Au bord de la route, pas très loin de Nice, pas très loin de la ville et déjà à la campagne, minée par les pavillons et leurs clôtures en plastique.
Depuis, la maison a été rasée et remplacée par une déchetterie. Et c'est là que, adolescent, Aubin, à deux pas de chez lui, franchit sa propre clôture, le périmètre très étroit de sa famille. C'est là, à l'endroit de la maison détruite, qu'Aubin rencontre le désir, la musique et l'ailleurs en la personne d'Adel, le jeune gardien de la déchetterie.
Un roman sur la mémoire et ses traces, sur la question de l'origine, toujours à réinventer. -
Le nom de la ville, Amanscale, viendrait dit-on du mot "aisselle" en grec. Il faut en effet imaginer l'émerveillement des premiers marins grecs qui aperçurent la baie encore inhabitée ; émerveillement teinté de cette particulière mélancolie qui poigne le voyageur privé d'amante. Baie à la courbure aussi parfaite que celle que dessine le puissant mouvement d'une nageuse de crawl passant son bras au-dessus de la tête et découvrant ainsi son aisselle, ce nid infiniment émouvant appelé à donner ainsi naissance à Amanscale.
Linda Groote - un vrai nom de troll, si peu accordé à cette ville au bord de la mer - éprouve pour Amanscale, aujourd'hui malmenée, une fascination intacte. Linda Groote malmenée elle aussi par cette lumière et par cette baie resplendissante face à laquelle elle ressent trop continûment sa solitude et peut-être même sa perdition.
Linda Groote - insistons là-dessus - sait à peine qu'il y a au nord, au-delà du quartier méprisé par les habitants de cette ville-proue, un volcan éteint depuis toujours et qui est comme la nuit cachée d'Amanscale.
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Comment vient-on à Rodin ? Peut-être en tâchant de laisser tomber ce qu'on croyait connaître. En tâchant de laisser tomber ses croyances. En fréquentant Auguste Rodin, et, avec lui, les écrivains et les artistes qui l'ont aimé, en s'immisçant dans cet immense xixe siècle qu'il projette dans le xxe. En y tissant un récit de sa vie. Mais aussi en fréquentant ses figures, en entrant dans la danse des corps inventés par lui. En fréquentant la sculpture qu'il a bouleversée. En prenant exemple sur lui. En accueillant le réel et ses surprises. En étant entièrement solidaire de sa manière de procéder. C'est-à-dire, somme toute, en faisant le pari d'être un peu plus libre.
Maryline Desbiolles a écrit une vingtaine de romans, de La seiche (Seuil, 1998) et Anchise (Seuil, 1999, prix Femina) au Beau temps (Seuil, 2015). Elle a aussi beaucoup écrit sur les peintres et les sculpteurs, Chaissac, Braque, Pagès (Nous rêvons notre vie, éditions du Cercle d'art, 2003) ou Vallotton (Vallotton est inadmissible, Seuil, 2013). Ces textes ont été récemment réunis sous le titre Écrits pour voir (L'Atelier contemporain, 2016). -
J'ai toujours aimé entrer dans les cimetières. Regarder les photos, lire les noms. Les mots de regret et d'amour. Relier, renouer les histoires. Que ce soit celle des inconnus ou de Gaby, le communiste, celle de mes grands-parents italiens ou de la victime collatérale d'un fait-divers sanglant dans les forêts de Haute-Savoie.
J'ai toujours aimé les cimetières. Ces lieux à l'écart, retranchés, qui me semblent parfois au cœur battant du monde. Au cœur des migrations de ce que nous n'appelons plus les âmes. Elles n'en reviennent pas moins vers nous qui hésitons à prendre la relève.
M.D.
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Maurice Jaubert naît dans les premiers jours de 1900, à Nice où le siècle, lavé par les vagues et lustré par la lumière, est encore plus neuf. Sa courte vie se dessine entre ce front de mer et la ligne de front où il meurt en juin 1940. Mais il aura inventé la musique de cinéma (il travaille avec Vigo, Storck, Renoir, Carné ou Duvivier) et cru à l'effervescence créatrice de son époque, malgré les années noires, malgré les tragédies : il aura cru ardemment aux vertus du nouveau sans lequel il n'y a ni désir ni joie.
C'est cette énergie de vie et d'invention que Maryline Desbiolles restitue en un roman enthousiaste et généreux, qui nous fait partager un destin, une ville, une époque, ressuscitant cet homme que beaucoup ont admiré, et même vénéré, comme ce fut le cas de Truffaut. C'est une véritable lettre d'amour qu'elle adresse à travers le temps.
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« Au début de ce mois de juillet, ma poitrine s'est dilatée, j'ai éprouvé de la joie en arrivant à Nice dont le nom si bref, si léger a troué tant de fois mon enfance. »
De son enfance à Casablanca, André a retenu les heures passées dans le garage de monsieur Cloclo, surnom de Claude Machin. Ce dernier a raconté au petit garçon émerveillé, des après-midi durant, à l'avant de voitures immobiles, l'histoire extraordinaire de son père, Alfred. Alfred Machin, pionnier, réalisateur prolifique, passionné par les animaux qu'il dressa pour le cinéma. Celui-là même qui embarqua toute sa famille dans sa grande aventure cinématographique, dont l'apogée fut l'installation dans les studios Bon Voyage à Nice, ville magnétique où tout commence et tout finit.
À travers la trajectoire discrète d'André, de Casablanca à Nice, de 1950 à aujourd'hui, Maryline Desbiolles ranime l'incroyable figure d'Alfred Machin et entrelace ces deux destins de son écriture lumineuse. -
La route est en chantier. Celle que j'emprunte chaque jour, que je connais par cœur. Ma route, et si peu la mienne. La seule route pendant longtemps qui relie Nice à Turin, la seule route pendant longtemps. La route du sel, la route de ceux qui marchent, chevauchent, roulent sur elle depuis des siècles, la route des contrebandiers, la route d'un haut fait divers, la route des morts, accidents et drames des deux guerres mondiales, la route de ceux qui l'ont construite, ouverte, et l'ouvrent une fois de plus aujourd'hui. Là, tout à côté, les ouvriers aménagent un rond-point, mettent à découvert cent cinquante mètres de chaussée, pénètrent le mille-feuilles de la route, sa légende, son ferment, l'amplitude inconnue, extraordinaire, de ce qui est si proche.
Maryline Desbiolles
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C'est une très jeune femme, elle sort à peine de l'enfance et elle est enceinte. Elle a couché avec Vincent, la veille du départ du garçon pour la guerre d'Algérie. Son ventre est déjà gros, mais personne ne sait qu'elle est enceinte, ni ceux avec lesquels elle travaille à la Poste du village, ni ses parents chez qui elle vit encore, ni Vincent qu'elle n'a plus revu et à qui elle ne sait pas écrire.
Elle l'a dit à une seule personne, à Marie-Marthe, la marraine qu'elle s'est choisie depuis toujours. Peut-être aussi parce que Marie-Marthe est hors du monde. Marie-Marthe a trop connu la violence et la blancheur du monde, trop de choses à jamais vidées de leur souffle et de leur ferveur, comme les pierres des murets que Marie-Marthe déplace sans cesse, en pure perte, en contrebas du Petit col des loups où elle habite.
Tout reste à faire cependant.
Il lui reste à se déprendre du silence et d'abord du silence de cette naissance qu'il faudra bien finir par annoncer. Coûte que coûte il lui faudra apprendre ces mots-là, elle qui n'a rien vu du monde et qui ne possède, en tout et pour tout, que son allant de jeune renarde.
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J'ai été frappée par la peinture de Vallotton au sortir de l'adolescence. Une peinture bien plus violente que froide, parfois même cruelle. Elle m'accompagne depuis. Elle m'est contemporaine. Elle est contemporaine de ma propre solitude. La peinture de Vallotton ne me raconte pas d'histoires, ne me berce pas d'illusions, ne me jette pas des paillettes aux yeux. Mais je me sens épaulée par elle.
M.D.
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Des Pétales dans la bouche est le parcours en cinq "mouvements" d'une femme qui cherche sa voix, qui n'est pas accordée à sa voix. Cinq mouvements qui déploient cinq moments de la vie quotidienne et cinq espaces, du plus exigu, un taxi la nuit, jusqu'au plus ouvert, le bord de mer, ailleurs, en Italie, en passant par une salle de café, la chambre, un champ abandonné.
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Rien ne le destinait à être peintre. Et ce rien, ce rien dont il sort, ce brouillard est peut-être ce qui lui a défendu de jamais s'établir, de jamais composer avec le monde que la peinture aurait dû révolutionner, comme il l'a cru un temps. Romanichel avant toute chose : celui qui l'attrapera n'est pas né. Plutôt que le retenir, tenter un pas de danse, inédit, avec lui.
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Manger avec piero/le risotto a la fraise
Maryline Desbiolles
- Mercure de France
- Le Petit Mercure
- 12 Juillet 2021
- 9782715258143
Il se trouve qu'un été on a l'envie de voir les fresques de Piero della Francesca en Toscane, il se trouve qu'on les voit à l'heure du déjeuner et que cette coïncidence fait se frotter ce que l'on voit et ce que l'on mange ainsi que la mémoire de déjeuners amoureux.
Ce Manger avec Piero est suivi d'un Risotto à la fraise dont la vanité réveille la simplicité des risotti de l'enfance, ceux de la grand-mère de la narratrice, grand-mère italienne émigrée en France dans une petite ville industrielle de Savoie. -
De loin, parce que son nom est lumineux, il est difficile de croire que l'Ariane est un quartier peu recommandable de Nice, à la périphérie de la ville, une zone, une zone sensible, une banlieue.
Il faut s'approcher pour saisir qu'on est là au cœur du labyrinthe, qu'on craint le Minotaure, qu'on le brave, qu'il est question de père, d'île, d'amours blessées et trahies.
Il faut s'approcher pour écouter le murmure de ceux qui l'habitent, parfois si peu, si mal, immigrés, exilés, déclassés, expropriés ; il faut s'approcher, et peut-être même se tenir au plus près pour écouter le murmure de ses héros, leurs manquements, leurs ardeurs obstinées, leur obscurité, et combien la tragédie est bouillonnante.
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Il est temps de se mettre à table. Nous avons assez cuisiné, assez réglé les préparatifs, assez tourné autour du pot. Il est temps de lever notre verre et de boire ce léger vin blanc italien. Car c'est en Italie que nous avons appris à monter sur la table à la fin des banquets d'enfance, à y danser et chanter: la table est une scène. Et c'est en Italie que nous avons appris à regarder les tableaux, peut-être bien à regarder tout court, à comprendre dans quelle lumière il est permis de peindre à leur tour toutes les scènes auxquelles nous assistons, à inventer comment jouer sur tous les tableaux, festin, tête à tête, déjeuner de communion, sans jamais perdre de vue le repas ultime, le dîner, la cène que nous trahissons de toutes les manières.
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Les Bateaux-feux
Maryline Desbiolles
- FeniXX réédition numérique (Alinéa)
- 29 Octobre 2015
- 9782402026246
Un homme revient à la vie après qu'on lui ait greffé un coeur. Dès lors, hanté par « cet autre » qui l'habite, presqu'à son insu, il n'aura de cesse de se laisser aspirer par le cours dédoublé de sa nouvelle existence. Que ce soit dans le voyage des Bateaux-feux ou dans la dérive immobile de La Recluse, les personnages de Maryline Desbiolles tentent de se faire des signaux dans leur grande nuit, de baliser le brouillard qui les habite. Arrimés à leurs failles, ils essaient cependant désespérément de s'approcher, de se donner de leur lumière, croyant que la douleur, que l'excès même de leur désir sera peut-être leur salut.