Monstrueuse, la matière de ce livre l'est, pour deux raisons. Le sujet, d'abord : le trafic d'hommes noirs, infâme trafic jusque dans les justifications qu'on a voulu lui trouver. Monstrueuse aussi, son étendue dans l'espace, de l'Afrique à la Méditerranée orientale puis de l'Afrique aux Amériques ; et dans le temps, puisque cette histoire est longue de près de quatorze siècles.
Il fallait à Olivier Pétré-Grenouilleau, pour maîtriser dans sa totalité l'étude de ce trafic et l'ériger en objet historique, une approche globale, qui mettrait en relation l'histoire de l'esclavage avec d'autres domaines de la recherche historique - histoire des idées, des comportements, de l'industrialisation... Cette méthode comparative, alliée à une vision à la fois panoramique et plongeante, permettrait de découvrir comment des logiques différentes, propres à l'Afrique noire, au monde musulman et à l'Occident, ont pu se connecter pour donner naissance aux traites négrières. Comment, une fois pris le pli, enclenché l'engrenage négrier, les traites ont évolué jusqu'à leur terme, résultat d'une dynamique abolitionniste, certes ambiguë, mais radicale.
De l'esclavage antique à la mise en place de nouveaux systèmes d'exploitation de l'homme, ce livre restitue pour la première fois dans son ensemble la complexité d'une histoire débarrassée des clichés et des tabous, riche aussi de révoltes et de combats. Un des phénomènes mondiaux à l'origine du monde moderne.
Prix de l'Essai de l'Académie française (2005).
Le marché est-il utile ? Est-il légitime ? Est-il nécessaire ? Ces questions occupent aujourd'hui une telle place dans le débat public qu'elles semblent nées de la crise actuelle ; et pourtant, elles n'ont cessé d'être posées depuis l'apparition des premiers échanges marchands. D'où l'importance, pour comprendre notre monde, de se plonger dans l'histoire passionnante du débat qui a vu s'opposer, sur la longue durée, critiques et défenseurs du marché, de l'Antiquité à nos jours - d'Aristote à Amartya Sen en somme.
En révélant les racines profondes des controverses contemporaines, ce livre ne jette pas seulement une lumière nouvelle sur notre temps ; il dessine surtout les méandres de la lente affirmation éthique du capitalisme, en dévoilant le mécanisme par lequel le marché est peu à peu parvenu à imposer l'illusion qu'il se situerait hors de portée de toute critique.
Car aujourd'hui, tout-puissant, le marché semble ne plus devoir répondre à d'autres règles que les siennes. Pourtant, nombreux sont ceux qui le dénoncent comme injuste et cynique : se trompent-ils de combat ? Un retour à un capitalisme vertueux est-il encore possible ?
Couverture : Marinus van Reymerswaele, Le Changeur et sa femme (détail), huile sur toile, 1539, musée du Prado, Madrid © Rue des Archives / RDA