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OEdipe roi est une tragédie modèle, d'Aristote à Racine, mais aussi le formidable détonateur d'un mouvement dont nous vivons encore et qui a profondément transformé une lecture dont l'histoire avait déjà, comme elle le fait toujours, piégé les accès. Sans Freud, Sophocle ne se tairait peut-être pas, mais avec Freud, certainement, Sophocle n'est plus tout à fait lui-même. Cette traduction s'appuie sur une analyse grammaticale et historique qui a abouti à rétablir le texte sur un nombre considérable de points.
Ni reconstitution ni adaptation : la restauration archéologique pure et simple est rendue vaine par la différence des langues et des mètres, l'adaptation tombe dans le piège de l'humanisme. L'oeuvre est d'abord une pièce de théâtre, où le rythme, les effets, le mouvement font partie du sens. -
Électre a choisi la mémoire ; la vision de son père assassiné ne la quitte pas. La vie à laquelle s'accroche Clytemnestre, la mère meurtrière, lui est insupportable. Elle défend une cause juste, mais le nom de justicière ne lui revient pas. Elle se débat dans l'illusion d'une action qui ne débouche sur rien ; elle s'épuise sur un fond de néant. Son antagoniste est plus forte et paraît d'abord l'emporter, quand le dieu l'exauce en la trompant et que l'on annonce la mort de l'héritier redouté. Le plan de vengeance d'Oreste, soutenu par Apollon, se passe d'Électre, comme si l'intrigue se dédoublait, et que le droit formel relayait ou supplantait le droit naturel, qui amène Électre, la délirante, à transgresser toute limite. La pièce se termine par une double exécution, mais la condamnation du parricide des enfants d'Agamemnon n'est jamais exprimée. Elle se poursuit tout au long de la pièce dans l'impasse et la contradiction. Oreste sauveur, l'envoyé du dieu Delphes, est le seul gagnant. À la fin, la lumière sinistre d'une initiation parfaite irradie le sang d'un meurtre contre nature.
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Antigone est la fille d'un roi maudit, OEdipe, et de la femme qu'il épousa sans savoir qu'elle était sa mère, Jocaste. La pièce qui porte son nom fut sans doute écrite vers 440 avant J.- Chr., avant OEdipe-roi.
À l'aube où commence le drame, Thèbes est sortie d'une guerre très dure qui a vu s'affronter et mourir les deux frères d'Antigone, Étéocle et Polynice. Ils se sont tués l'un l'autre dans un combat singulier. Le premier défendait la ville sur laquelle il régnait, le second, Polynice, était l'assaillant. Le nouveau roi, Créon, oncle des enfants d'OEdipe, veut rompre avec le passé, en réinstaurant une loi fondée sur le civisme. Il interdit d'enterrer le corps de Polynice, bien qu'il soit fils d'OEdipe, parce qu'à ses yeux l'agresseur est toujours un criminel et doit être puni même dans la mort. [...]
Antigone n'accepte pas cette rupture. La décision de Créon a force de loi. Elle la brave, et va recouvrir de terre le corps gisant de son frère. [...] Antigone se bat pour elle-même, pour la reconnaissance de son identité de fille et de femme. L'exclusion de Polynice outrage le nom de son père et nie sa qualité de fille ; elle lui enlève même Hémon, son amant, fils de Créon, en la privant de son lieu et de son origine. Pour se défendre, elle engage sa propre vie. Créon et Antigone se défient et s'obstinent. Leur acharnement devient un délire qui se nourrit de leur rage réciproque.
[...] Cette Antigone n'est pas seulement ajustée à la langue et à la vision que nous avons aujourd'hui, instruits par nos lectures et par notre histoire. Elle est aussi résolument sophocléenne, calquée au plus près sur l'image que fournit un texte et les possibilités de ses mots. La traduction de la pièce de théâtre est conçue pour la représentation. (J. B.)