Il y a longtemps de cela, bien avant d'être la femme libre qu'elle est devenue, Tanah se souvient avoir été l'enfant d'un roi, la fille du souverain déchu et exilé d'un éblouissant archipel, Loin-Confins, dans les immensités bleues de l'océan Frénétique. Et comme tous ceux qui ont une île en eux, elle est capable de refaire le voyage vers l'année de ses neuf ans, lorsque tout bascula, et d'y retrouver son père. Il lui a transmis les semences du rêve mais c'est auprès de lui qu'elle a aussi appris la force destructrice des songes.
À la Colonie, en lisière de la forêt, il y a des enfants malades, des orphelins et des estropiés, des rescapés. Ils ont des noms à rallonge, La-Petite-Elle-Veut-Tout-Faire-Toute-Seule, Destiny-Bienaimée, Mohamed-Ali, Tout-Le-Fait-Rire. Ils sont divisés en deux groupes, strongues et bitches, et les strongues tabassent, et les bitches ne se laissent pas faire. Ils sont plus habitués à la violence qu'à la tendresse, ça n'empêche pas les amitiés, les amours. Ils ont peur de la forêt, mais elle les attire, ces gamins. Pas loin, un village, enserré dans des montagnes. Comme partout, la lutte des classes règne, entre bergers, paysans, et maîtres des forges. On trouve des christian, des muslim, des supermuslim. Les vrais supermuslim menacent, ils veulent prendre le village pour leur califat. Il y a des Grands-Incendies et des Grandes-Vagues, des pluies corrosives ou du soleil qui tape dur.
Dans Forêt-Furieuse, Sylvain Pattieu fait s'entrechoquer la vitalité enfantine, l'imaginaire destructeur du djihadisme, la violence des guerres contemporaines, sur fond de contes et légendes d'Ariège, de paysages des Pyrénées et de Seine-Saint-Denis. Et puis il y a son écriture, scandée par le rap et nourrie de la langue populaire d'aujourd'hui.
Sur la pointe de la Hague, un homme, Lambert, revient quarante ans après sur le lieu du naufrage de ses parents et de son petit frère. La narratrice, une étrangère au pays, va peu à peu découvrir le mystère et les secrets de cette noyade, et mettre à jour les liens complexes unissant certains habitants du bourg.
« C'est chaque fois pareil, quand apparaît cette photo de moi à quinze ans avec ces cheveux bruns, la seule qui existe encore de cette époque, comme une pièce à conviction que j'aurais omis de détruire, je me fais l'effet d'une fugitive qu'on démasque. »
Une femme remonte le cours de sa vie, à la manière d'un détective qui enquêterait sur son propre crime, à la recherche d'un secret inconnu et inavouable, à propos d'une soeur morte ou peut-être d'un fils. Des maisons, des mariages, des décès, des baptêmes, des bombardements, les lunettes d'écaille d'un officier allemand, des voisins juifs qu'on veut croire enfuis à Copacabana : en trente- six brefs chapitres se trame le double panorama d'une existence dont les zones d'ombre s'épaississent à mesure que s'en approche l'origine et du destin d'une génération qui a cru toucher au bonheur.
Dans une écriture vertigineusement subtile, Yves Revert esquisse le portrait inépuisable d'un personnage au féminin dans une époque qui s'est voulue échappée de l'Histoire. Et sans doute chacun d'entre nous reconnaîtra une part de soi-même dans cette femme qui s'interdit les faux pas mais qui est toujours au bord d'une faille. Qui a rêvé de se faire une belle vie mais qui en éprouve à chaque instant la féroce irréalité. Et qui se raconte devant nous une histoire dont elle ne sait si elle a vraiment existé.
Quelle est la nature du sentiment qui lia toute sa vie Helen à Frank ? Il faut leurs retrouvailles, par hasard à Londres, pour qu'elle revisite le cours de leur double existence. Elle n'espérait plus le revoir - tous deux ont atteint les 80 ans - et l'on comprend qu'un événement tragique a mis fin à leur relation. Dans un retour sur soi, la vieille dame met à plat ces années passées avec, ou loin, de Frank, qu'elle aida à devenir un peintre célèbre. Une vie de femme dessinée dans toutes ses subtilités et ses contradictions. Dans ce quatrième roman, Julia Kerninon, qui a obtenu de nombreux prix pour ses précédents livres, déploie plus encore ses longues phrases fluides et imagées, d'une impeccable rythmique.
Fleur et Harmonie : les prénoms des deux héroïnes du roman de Marie-Sabine Roger sont, disons... un peu trompeurs. Car Fleur, âgée de 76 ans, est une dame obèse et phobique sociale. Et Harmonie, 26 ans, est atteinte du syndrome de Gilles de la Tourette. En clair, son langage est ordurier et elle ne peut retenir des gestes amples et violents. Bientôt rejointes par une bande de « bras cassés » émouvants et drôles, elles vont nous entraîner dans une série d'aventures. Ce roman profondément humaniste donne une vision positive de la différence, refusant le regard excluant et prônant la chaleur du collectif. Un « feel good book » réjouissant.
Dans son troisième roman, réédité sous un nouveau format et une nouvelle couverture, Claudie Gallay nous emmène à Venise, en hiver, sur les pas d'une femme à la recherche d'un nouveau souffle de vie. Une très belle réflexion sur l'amour, mais aussi sur l'Histoire et la création artistique.
Attila Kiss, cinquantenaire hongrois en bout de course, tombe amoureux d'une jeune Viennoise riche et cultivée. Tout les sépare : la classe sociale, l'Histoire de l'Empire austro-hongrois, l'ancien mur entre l'Est et l'Ouest.
Dans son deuxième roman, Julia Kerninon illustre magistralement l'idée que l'amour est un art de la guerre, avec ses victoires, ses défaites, ses frontières, et sa conquête de l'altérité. Par l'auteur de Buvard, premier roman aux nombreux prix, dont le prix Françoise Sagan.
Germain est l'idiot du quartier, il passe son temps à prendre du bon temps, avec sa copine et ses copains de bistro. Jusqu'à ce qu'il rencontre au jardin public une vieille dame très cultivée qui le fait entrer dans le monde des livres et des mots. Son rapport aux autres et à lui-même en est bouleversé. Mais il n'en perd pas pour autant sa verve et sa lucidité décapantes...
Un vrai plaisir de lecture et un roman émouvant. Un hommage aux livres, à Camus, Gary et Sepulveda.
De l'Ancien au Nouveau Monde, le destin de trois bateaux et de leurs équipages, un négrier, un vaisseau pirate et un navire marchand. Avec ces péripéties nombreuses et ses personnages fascinants (depuis l'esclave africain jusqu'à l'armateur hollandais), cet hommage aux romans d'aventures se saisit du genre pour le renouveler d'une façon très inventive. Un roman contemporain, donc, au grand souffle romanesque, porté par une réflexion politique sur ce que fut cette première mondialisation.
Inspiré par un fait divers récent, le meurtre d'une enfant de huit ans par ses parents, La maladroite recompose par la fiction les monologues des témoins impuissants de son martyre, membres de la famille, enseignants, médecins, services sociaux, gendarmes... Un premier roman d'une lecture bouleversante, interrogeant les responsabilités de chacun dans ces tragédies de la maltraitance.
Voir l'interview d'Alexandre Seurat
A Guernica, en avril 1937, le jeune Basilio passe son temps dans les marais à peindre des hérons cendrés, alors que la population fuit dans la crainte de l'arrivée des Nationalistes. Le jour même du bombardement, le 26 avril, il cherche à rendre le frémissement invisible de la vie, dans les plumes d'un oiseau. Mais une fois la ville en feu, il ne peut se retenir d'aller voir, de ses propres yeux le massacre. Comment rendre compte de la réalité,
que ce soit celle d'un héron ou d'une guerre terrible ? Basilio se rendra jusqu'à Paris, au début de l'été, pour découvrir le « Guernica » de Picasso, cette peinture magistrale, témoignage imparable de la tragédie, bien que le peintre célèbre n'en ait pas été le témoin. Avec son économie de style, Antoine Choplin nous interroge sur la nécessité de l'art pour rendre compte de notre condition humaine, même la plus extrême.
Ces récits de grossesse, émus, sensibles et bouleversants, nous rappellent que le corps dans lequel nous habitons et vivons le monde est un lieu aussi politique que poétique, et que les mutations qu'il vit, dont la grossesse n'est pas des moindres, méritent d'être saisies autant dans leur singularité que collectivement, en tant que fait culturel au carrefour de nombreux rapports de pouvoir.
Un jeune homme réussit à forcer la porte d'une romancière célèbre, Caroline N. Spacek, réfugiée en solitaire dans la campagne anglaise depuis plusieurs années. Très jeune, elle a connu une gloire littéraire rapide et scandaleuse, après une enfance marquée par la violence et la marge. Il finit par s'installer chez elle et recueillir le récit de sa vie. Premier roman d'une auteure âgée de 25 ans.
Le 14 juin 1944, Marielle Lavabre réussit brillamment son certificat d'études. D'une modeste famille d'agriculteurs, cette jeune fille studieuse rêve de devenir institutrice. Inscrite dans une école catholique, le pensionnat Sainte-Anne, elle en découvre la discipline glaciale. Lorsque son frère Sylvain, destiné à reprendre la ferme familiale, annonce son prochain mariage avec leur cousine germaine, Marielle est loin de se douter des conséquences dramatiques que cette union va avoir sur sa propre existence. Dans ce roman qui lui a été inspiré par le rêve perdu de sa propre mère, Daniel Crozes campe l'émouvant portrait d'une jeune femme à qui sa famille demande de sacrifier ce qui lui est le plus cher, à une époque où l'on favorise unanimement les hommes.
Merlin, auteur d'une série BD à succès, perd son vieux copain Laurent, qui lui a inspiré son héros, Jim Oregon. Comment continuer à le faire vivre dans ses dessins, d'autant que dans son « testament », Laurent lui impose deux contraintes pour l'album à venir.... Marie-Sabine Roger s'amuse allègrement à jongler entre deux mondes, celui de la réalité et de la BD, et donne naissance comme toujours à une tribu de personnages tout en couleurs. Par l'auteur notamment de La Tête en friche, Bon rétablissement et Trente-six chandelles.
Gil Petty était un critique redoutable dans le monde des vins, de ceux qui font et défont les rois. Il s'intéressait au vignoble de Gaillac lorsqu'il a disparu. Un an après, son cadavre réapparaît, dressé comme un épouvantail dans les vignes et dans un sale état. Il semble avoir séjourné un moment dans une barrique de rouge... Précédé de sa flatteuse réputation d'enquêteur hors pair, Enzo Macleod décide de reprendre une enquête restée au point mort. Sauf qu'entre les dégustations de grands crus et l'offensive de charme de la fille du défunt, c'est bel et bien sa peau qu'il met en jeu. Car le tueur n'est pas à un meurtre près. Bouteilles, cadavres et compagnie, on déguste avec Peter May !
En ce tournant du vingtième siècle, chaque jour de singuliers visiteurs se pressent au village de Nasbinals, en Aubrac. Blessés et éclopés viennent quémander secours auprès d'un homme dont la renommée a depuis longtemps franchi les frontières de cette contrée montagneuse. Pierrounet est un rebouteux. Sa popularité, tous ne la voient pas d'un bon oeil. Bertrand Miquels, un jeune médecin établi en Aveyron après des études à Toulouse, confronté depuis ses débuts à la négligence et à l'absence d'hygiène aux conséquences souvent dramatiques, décide de s'attaquer au charlatanisme à travers Pierrounet...
Un pari lors d'une soirée trop alcoolisée amène Enzo MacLeod, ancien légiste de la police écossaise établi en France, à entreprendre une enquête autour de la mystérieuse disparition de Jacques Gaillard, ancien conseiller du Premier ministre devenu star de la télévision et dont on n'a plus aucune trace depuis le mois d'août 1996. Cette affaire énigmatique va le conduire de surprise en coup de théâtre d'un bout à l'autre de la France, dans un macabre jeu de piste imaginé par des esprits aussi brillants que machiavéliques.
Alors qu'il vient de se marier avec une jeune femme de la grande bourgeoisie, l'auteur, bipolaire en grave crise maniaco-dépressive, est emmené en hôpital psychiatrique. Enfermé une nouvelle fois, il nous plonge au coeur de l'humanité de chacun, et son regard se porte avec la même acuité sur les internés, sur le monde paysan dont il est issu ou sur le milieu de la grande bourgeoisie auquel il se frotte. Il est rare de lire des pages aussi fortes sur la maladie psychiatrique, vue de l'intérieur de celui qui la vit. Ce récit autographique est le premier livre publié par Pierre Souchon, journaliste au Monde diplomatique et à L'Humanité.
Mortimer s'est préparé à mourir le jour de ses 36 ans, comme cela a été le cas pour tous ses ascendants mâles. Il a quitté son travail, rendu son appartement et vendu sa voiture... mais la malédiction ne s'abat pas sur lui. Que reste-t-il à faire, lorsque la mort attendue ne vient pas ? Il faut apprendre à vivre vraiment ! Après ses précédents succès, notamment La tête en friche et Bon rétablissement, tous deux adaptés au cinéma par Jean Becker, Marie-Sabine Roger revient avec un roman plein d'humanité, aux personnages émouvants, croqués avec humour et justesse. Une belle réflexion sur le sens de la vie !
Une maison partagée en deux habitations jumelles, que ne sépare qu'une mince cloison laissant filtrer les rires, les cris, les chuchotements. D'un côté vit Rose avec son mari et leur petite fille, Boucles d'or. Rose vient de perdre un bébé en cours de grossesse et traverse une dépression où s'agitent ses désirs inavouables pour des femmes. De l'autre Nour est la fille secrètement rebelle d'une famille nombreuse d'origine marocaine, qui feint la soumission tout en repoussant constamment les frontières imposées à son sexe. Sur la double trame de la cohabitation des communautés et de l'émancipation féministe, Aliénor Debrocq livre le portrait complexe de deux femmes dans un moment de crise qui remet en cause leur manière de vivre le couple, la sexualité et l'amour...
Dans l'Amérique des années 1930, celle de la Prohibition, du suprémacisme blanc, de la misère qui a jeté des millions d'affamés sur les routes, les destins entrecroisés de trois hommes et d'une femme, autour d'un moment unique qui les réunit tous : l'explosion de la ville d'Halifax, en Nouvelle-Écosse, le 6 décembre 1917, la plus terrible dévastation causée par l'homme avant l'ère nucléaire. À travers le blizzard, les coups du sort, les renaissances, les échecs, les chagrins effroyables, les espoirs fous, Valentine Imhof nous emporte sur les lignes de vie de ces magnifiques passagers d'Amérique.
L'usine du Nord où travaillent Léo et son père va fermer. Tandis que le père, syndicaliste, s'engage dans le conflit jusqu'à faire une grève de la faim, le fils passe ses soirées à répéter avec son quartet de jazz, dans l'attente d'un premier concert. Un très beau double portrait d'un père et de son fils, de leur non-dits et de leurs différences. Roman social mais surtout roman sensible, hommage au jazz, dans une écriture délestée du superflu, d'une très belle émotion.