« Les questions économiques sont trop importantes pour être laissées à une petite classe de spécialistes et de dirigeants. La réappropriation citoyenne de ce savoir est une étape essentielle pour transformer les relations de pouvoir. »
T. P.
En présentant l'évolution en longue durée des inégalités entre classes sociales dans les sociétés humaines, Thomas Piketty propose une perspective nouvelle sur l'histoire de l'égalité. Il s'appuie sur une conviction forte forgée au fil de ses recherches : la marche vers l'égalité est un combat qui vient de loin, et qui ne demande qu'à se poursuivre au xxie siècle, pour peu que l'on s'y mette toutes et tous.
Toutes les sociétés humaines ont besoin de justifier leurs inégalités : il faut leur trouver des raisons, faute de quoi c'est l'ensemble de l'édifice politique et social qui menace de s'effondrer. Les idéologies du passé, si on les étudie de près, ne sont à cet égard pas toujours plus folles que celles du présent. C'est en montrant la multiplicité des trajectoires et des bifurcations possibles que l'on peut interroger les fondements de nos propres institutions et envisager les conditions de leur transformation.
À partir de données comparatives d'une ampleur et d'une profondeur inédites, ce livre retrace dans une perspective tout à la fois économique, sociale, intellectuelle et politique l'histoire et le devenir des régimes inégalitaires, depuis les sociétés trifonctionnelles et esclavagistes anciennes jusqu'aux sociétés postcoloniales et hypercapitalistes modernes, en passant par les sociétés propriétaristes, coloniales, communistes et sociales-démocrates. À l'encontre du récit hyperinégalitaire qui s'est imposé depuis les années 1980-1990, il montre que c'est le combat pour l'égalité et l'éducation, et non pas la sacralisation de la propriété, qui a permis le développement économique et le progrès humain.
En s'appuyant sur les leçons de l'histoire globale, il est possible de rompre avec le fatalisme qui nourrit les dérives identitaires actuelles et d'imaginer un socialisme participatif pour le XXIe siècle : un nouvel horizon égalitaire à visée universelle, une nouvelle idéologie de l'égalité, de la propriété sociale, de l'éducation et du partage des savoirs et des pouvoirs.
Directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales et professeur à l'École d'économie de Paris, Thomas Piketty est l'auteur du Capital au XXIe siècle (2013), traduit en 40 langues et vendu à plus de 2,5 millions d'exemplaires, dont le présent livre est le prolongement.
39 historiennes et historiens remontent à la source de nos préjugés
Les préjugés se définissent comme des opinions préconçues et mal fondées. La majorité d'entre eux stigmatisent des groupes humains : les peuples, les nations, les femmes, les gros, les roux, les riches, les pauvres, les artistes, les intellectuels... Ils expriment un sentiment de supériorité ou un complexe d'infériorité d'un groupe envers un autre. Rien ni personne n'est à l'abri de ces jugements, pas même les animaux, les couleurs, les aliments ou les arts.
Dans cette Histoire des préjugés, les historiennes et les historiens sont remontés à la source de plus de cinquante préjugés pour en expliquer la genèse, le contexte historique et surtout la permanence à travers les âges. Une leçon d'histoire et un antidote à la haine.
Certains ouvrages ont enchanté des générations de lecteurs, transformé nos connaissances, posé les fondements d'un monde nouveau. D'autres au contraire se sont révélés odieux ou nocifs. Aux uns et aux autres sont consacrées des thèses et des études savantes. Il existe en revanche des livres dont on ne parle jamais, des livres « ordinaires », certes bien plus nombreux mais qui peu de temps après leur parution tombent dans l'oubli.
C'est sur l'un de ces livres discrets que se penche aujourd'hui Michel Pastoureau. À dire vrai, s'il est quelque peu oublié, il n'est pas totalement anodin puisqu'il s'agit de sa première publication, La Vie quotidienne au temps des chevaliers de la Table Ronde, parue chez Hachette, dans une collection célèbre, en 1976. Elle était consacrée à la légende arthurienne et à la société chevaleresque des XIIe et XIIIe siècles. Raconter aujourd'hui l'histoire de cet ouvrage de jeunesse est pour l'auteur l'occasion d'évoquer un certain nombre de souvenirs, de rendre une dernière visite au roi Arthur, et surtout de faire oeuvre historiographique. Que signifiait alors publier un premier livre ? Comment un jeune historien inconnu pouvait-il affronter les moeurs étranges de l'édition française ? Quel était alors le statut de la vulgarisation historique ? Et qu'est-elle devenue aujourd'hui ?
Avec une nouvelle préface inédite de l'auteur.
« Un prodige. » Le Monde des Livres
Il y a 100 000 ans, la Terre était habitée par au moins six espèces différentes d'hominidés. Une seule a survécu. Nous, les Homo Sapiens.
Comment notre espèce a-t-elle réussi à dominer la planète ? Pourquoi nos ancêtres ont-ils uni leurs forces pour créer villes et royaumes ? Comment en sommes-nous arrivés à créer les concepts de religion, de nation, de droits de l'homme ? À dépendre de l'argent, des livres et des lois ? À devenir esclaves de la bureaucratie, des horaires, de la consommation de masse ? Et à quoi ressemblera notre monde dans le millénaire à venir ?
Véritable phénomène d'édition, traduit dans une trentaine de langues, Sapiens est un livre audacieux, érudit et provocateur. Professeur d'Histoire à l'Université hébraïque de Jérusalem, Yuval Noah Harari mêle l'Histoire à la Science pour remettre en cause tout ce que nous pensions savoir sur l'humanité : nos pensées, nos actes, notre héritage... et notre futur.
« Pharaonique. » Télérama
« Magistral. » Le JDD
Qu'est-ce qu'un événement ? La question est tout sauf théorique, puisqu'elle affecte le cours même de nos existences. Il est des moments où l'on ressent intimement le pli cassant du temps, qui sépare nettement un avant d'un après. Mais parfois c'est plus incertain. Le passé semble s'attarder, et l'on attendra de la mémoire qu'elle façonne, après coup, le sens de ce qui a eu lieu.
Inspiré de l'émission « Quand l'histoire fait dates », diffusée sur Arte, ce livre propose d'explorer cette question à partir de trente dates qui, de la grotte de Lascaux à la libération de Nelson Mandela, des grandes batailles de l'Asie centrale à la conquête du pôle Sud, traversent toutes les époques et parcourent le monde. Chaque événement, qu'il soit célèbre ou plus inattendu, apparaît toujours comme la porte d'entrée d'une histoire qui se veut accueillante aux imaginaires, aux mémoires et aux émotions.
En composant à travers ces récits dix manières de créer l'événement, Patrick Boucheron laisse ainsi entendre les accords secrets qui résonnent à travers les frises chronologiques de notre enfance et rend à l'histoire sa force d'entraînement, la ramenant à ce qu'elle peut être dès lors qu'elle s'adresse à nos vies : l'art de se ménager des surprises.
Professeur au Collège de France, Patrick Boucheron a notamment publié aux éditions du Seuil Conjurer la peur (2013), La Trace et l'Aura (2019) et dirigé l'Histoire mondiale de la France (2017).
Rendu célèbre par ses récits de voyage et son humour, l'Américain Bill Bryson entreprend dans ce nouveau livre le plus extraordinaire des périples : surpris d'apprendre qu'on pourrait acheter tous les composants chimiques de notre organisme pour cinq dollars dans une quincaillerie, il décide d'explorer le corps humain et d'en percer les secrets.
Lors du décès d'une tante sans descendance, Annette Wieviorka réfléchit aux traces laissées par tous les êtres disparus qui constituent sa famille, une famille juive malmenée par l'Histoire. Il y a le côté Wieviorka et le côté Perelman. Wolf, l'intellectuel yiddish précaire, et Chaskiel, le tailleur taiseux. L'un écrit, l'autre coud. Ils sont arrivés à Paris au début des années 1920, en provenance de Pologne. Leurs femmes, Hawa et Guitele, assument la vie matérielle et celle de leurs enfants.
Dans un récit en forme de tombeaux de papier qui font oeuvre de sépultures, l'historienne adopte un ton personnel, voire intime, et plonge dans les archives, les généalogies, les souvenirs directs ou indirects. Par ces vies et ces destins recueillis, on traverse un siècle cabossé, puis tragique : d'abord la difficile installation de ces immigrés, la pauvreté, les années politiques, l'engagement communiste ou socialiste, le rapport complexe à la religion et à la judéité, puis la guerre, les rafles, la fuite ou la déportation - Paris, Nice, la Suisse, Auschwitz - et enfin, pour certains, le difficile retour à la vie marqué par un autre drame.
Tout l'art consiste ici à placer le lecteur à hauteur d'hommes et de femmes désireux de bonheur, de joie, de liberté, bientôt confrontés à l'impensable, à l'imprévisible, sans certitudes ni connaissances fiables au moment de faire des choix pourtant décisifs. C'est ainsi que des personnages très attachants et un monde disparu retrouvent vie, par la grâce d'une écriture sensible et précise.
Directrice de recherche honoraire au CNRS, Annette Wieviorka est une spécialiste mondialement reconnue de l'histoire de la Shoah. Elle a notamment publié au Seuil Auschwitz expliqué à ma fille (1999), 1945. La Découverte (2015) et récemment, aux éditions Stock, Mes années chinoises (2021).
"Au Docteur Grange,
Le dernier HOMME que j'aurai rencontré dans ma vie.
Je suis arrivé dans son hôpital déjà serein, mais peut-être encore troublé. Dès les premiers mots, il a su me rappeler les termes - ou plutôt le terme - de la condition humaine, avec assez de délicatesse pour que je retrouve immédiatement ma joie de vivre, si courte que l'on puisse en fixer l'échéance.
Obtenir des malades qu'ils meurent joyeux parce que confiants n'est pas donné à tout le monde. Demandez-lui le secret, il le possède."
Pierre Sanguinetti
Le volume que Zweig consacre à Tolstoï est l'un des plus personnels et emblématiques de la collection.La présentation de Stefan Zweig s'ouvre sur un Tourgueniev moribond qui, du fond de sa couche, rédige quelques mots à l'attention de Tolstoï pour le supplier de reprendre la plume (« Revenez à la littérature ! C'est votre don véritable. Grand écrivain de la terre russe, entendez ma prière ! »). Avec cette scène inaugurale, Zweig amène aussitôt le lecteur au moment clé de la biographie de Tolstoï : vers sa cinquantième année, l'écrivain russe est victime d'un ébranlement intérieur qui va le pousser à rechercher sans fin, chez les philosophes d'abord puis dans la religion, le sens caché de la vie. Zweig ne cache pas son admiration pour celui qui s'est alors donné pour mission de se sauver lui-même, et toute l'humanité avec.
« Tout homme d'état, tout sociologue découvrira dans sa critique approfondie de notre époque des vues prophétiques, tout artiste se sentira enflammé par l'exemple de ce poète puissant qui se tortura l'âme parce qu'il voulait penser pour tous et combattre par la force de sa parole l'injustice de la terre. »
Né le 28 novembre 1881 à Vienne, Stefan Zweig, écrivain, dramaturge, journaliste et biographe autrichien, s'est suicidé le 22 février 1942 à Petrópolis, au Brésil. Ami de Freud, Schnitzler, Romain Rolland ou encore Richard Strauss, Zweig faisait partie de l'intelligentsia juive viennoise, avant de quitter son pays en 1934 en raison de la montée du nazisme. Réfugié à Londres, il poursuit une oeuvre de biographe et surtout d'auteur de romans et de nouvelles.
Dans la vie d'un lecteur, certains auteurs occupent une place à part : lectures inaugurales, compagnons de tous les jours, sources auxquelles on revient. La collection « Les auteurs de ma vie » invite de grands écrivains d'aujourd'hui à partager leur admiration pour un classique, dont la lecture a particulièrement compté pour eux.
En septembre 1939, les Allemands envahissent la Pologne. Izabela Sztrauch, qui survivra et deviendra Isabelle Choko, a 11 ans. Son enfance s'arrête du jour au lendemain lorsqu'elle est envoyée dans le ghetto de Lódz avec ses parents. Elle y perd son père de malnutrition et de mauvais traitements. A 15 ans, elle est déportée à Auschwitz, puis à Waldeslust et Bergen-Belsen.
La peur et la nudité. Le travail forcé, le froid, les coups, la promiscuité, la faim. La maladie et la mort, partout. Mais aussi les quelques moments de grâce et de fraternité. Le courage d'un prisonnier de guerre qui prend tous les risques pour la garder en vie. Et l'amour qu'Izabela porte à sa mère, qu'elle tient dans ses bras jusqu'à son dernier souffle - sur le sol noir de Bergen-Belsen. Elle revient de l'enfer seule. Par une force hors du commun, elle guérit du typhus dans un hospice en Suède et voyage jusqu'en France, avec pour unique bagage, son appétit de vivre, son humour et son intelligence. Défiant le destin, quelques années plus tard, elle est sacrée championne de France d'échecs et fonde une famille.
Aujourd'hui, Isabelle Choko raconte ce qu'elle a connu sous le régime nazi, d'abord dans le ghetto de Lódz en Pologne et puis dans les camps d'extermination - Auschwitz-Birkenau et Bergen-Belsen. Son livre est l'histoire de sa vie, un récit douloureux et passionnant pour que tous nous n'oublions pas ce que fut la Shoah.
Aristocrate bohème, figure de la haute société des années soixante, Jacqueline de Ribes est devenue une icône du style et un symbole de l'élégance française. Amie d'Yves Saint Laurent et de Luchino Visconti, elle a été l'un des ' Cygnes ' de Truman Capote et de Richard Avedon. Cette reconnaissance mondiale est illustrée, en 2015, par une magistrale exposition au Metropolitan Museum de New York. Son visage a été projeté en pleine lumière sur l'Empire State Building. Quelle femme et quels secrets se cachent derrière la légende de papier glacé ? Ce destin, qui voit s'achever l'ancien monde et apparaître de nouveaux codes, des innovations stupéfiantes, j'ai tenté d'en déchiffrer l'énigme.
D. B.
«Pour Vladimir Poutine, le contrôle de la mémoire historique, de l'interprétation du passé, est un enjeu essentiel.»
Le 24 février 2022, l'opinion mondiale découvre avec stupeur le discours de Vladimir Poutine justifiant l'invasion de l'Ukraine, au prétexte de faire cesser un «génocide» exercé par un régime qu'il convient de «dénazifer». Cette extraordinaire falsification de l'histoire s'inscrit dans le droit fil du grand récit national construit au cours des vingt dernières années par Vladimir Poutine et dont l'ONG Mémorial fit les frais en 2021. Ce récit, exaltant la grandeur d'une «Russie éternelle» face à un Occident agressif et décadent, n'admet aucune contestation pour servir les intérêts géopolitiques d'un régime dictatorial et répondre aux attentes d'une société désorientée suite à l'effondrement du système soviétique.
Ce Tract éclaire les origines de cette distorsion des faits historiques et la façon dont elle est mise en oeuvre pour légitimer la première guerre du XXIe siècle sur le continent européen.
" Une grande enquête plus que jamais nécessaire sur des dérives post-coloniales à l'oeuvre aujourd'hui encore." Page des libraires
Retour à Lemberg et La Filière, deux enquêtes historiques couronnées de succès, ont imposé Philippe Sands comme l'écrivain de l'histoire des droits de l'homme. C'est en tant que représentant de l'île Maurice devant la Cour internationale de justice de La Haye qu'il lutte activement pour la reconnaissance d'une injustice criante, celle qui frappe l'archipel des Chagos, la « dernière colonie » britannique dans l'océan Indien.
Dans les années 1960, la Grande-Bretagne sépare Diego Garcia et les cinquante-quatre autres îles des Chagos de la toute jeune République indépendante de Maurice. La raison secrète : offrir aux États-Unis une base militaire sur Diego Garcia, la plus grande île de l'archipel. Les Chagossiens qui y demeuraient depuis le XVIIIe siècle sont chassés brutalement de leur foyer et contraints à l'exil, au mépris des mesures internationales d'après-guerre en matière de décolonisation. Parmi eux, Liseby Élysé, une jeune mariée, enceinte de son premier enfant.
Depuis cinquante ans, Liseby Élysé n'a eu de cesse de se battre pour pouvoir retourner sur son île natale. C'est ce combat que Philippe Sands retrace, en mettant en lumière les horreurs persistantes de l'impérialisme britannique, les crimes racistes dont Mme Élysé et ses compatriotes chagossiens ont été les victimes, et le long cheminement du droit international moderne pour que soit reconnu et jugé ce crime contre l'humanité.
Avec Le Pouvoir au féminin, paru en 2016, le public français a redécouvert la figure fascinante de l'impératrice Marie-Thérèse d'Autriche (1717-1780), la souveraine la plus puissante de son temps. Son art de la diplomatie et sa finesse psychologique ont marqué les esprits, tout comme ses seize enfants et son affection jamais démentie pour son mari volage.
Puisant dans des archives inédites, Elisabeth Badinter revient sur cette figure majeure par le biais de la maternité. Ce nouveau portrait révèle un aspect caché de sa personnalité: une mère complexe, fort soucieuse de ses enfants, capable de la plus grande tendresse, mais aussi parfois de dureté, voire d'injustice.
Une femme souvent tiraillée entre les choix que lui dicte son coeur et ceux imposés par la raison d'État.
L'invasion de l'Ukraine par la Russie, le 24 février 2022, a déclenché la guerre la plus importante en Europe depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Par l'ampleur des moyens employés et du soutien apporté à l'Ukraine par les forces occidentales, elle constitue un moment pivot pour l'histoire de l'Europe et peut-être du monde. Quelles leçons pouvons-nous en tirer aujourd'hui ? Comment cette guerre transforme-t-elle l'art militaire mais aussi nos sociétés ? En quoi l'ordre de sécurité européen et mondial s'en trouvera-t-il bouleversé ? Que nous enseigne-t-elle sur la dissuasion ? L'Ukraine est-elle un laboratoire pour Taïwan ? Toutes ces questions et bien d'autres sont abordées ici par François Heisbourg, qui joint à son expertise internationale une connaissance inégalée du terrain et des différents acteurs, qu'il a personnellement rencontrés et dont il nous dresse un portrait souvent inattendu. François Heisbourg est conseiller spécial à la Fondation pour la recherche stratégique et a présidé l'International Institute for Strategic Studies de Londres et le Centre de politique de sécurité de Genève. Il est l'auteur de nombreux ouvrages, dont Le Temps des prédateurs aux éditions Odile Jacob, qui a été un grand succès, et le prémonitoire Retour de la guerre.
"Nous ne savons pas ce qui nous arrive et c'est précisément ce qui nous arrive", écrit José Ortega y Gasset.
Que nous arrive-t-il ? Qu'arrive-t-il à la France ? Au monde ? Notre impéritie vient-elle d'une myopie à l'égard de tout ce qui dépasse l'immédiat ? d'une perception inexacte ? d'une crise de la pensée ? d'un somnambulisme généralisé ?
Tant de certitudes ont été balayées !
Comment naviguer dans un océan d'incertitude ? Comment comprendre l'histoire que nous vivons ? Comment admettre enfin que, en dégradant l'écologie de notre planète, nous dégradons nos vies et nos sociétés ? Comment appréhender le monde qui se transforme de crise en crise ? Comment concevoir l'aventure inouïe de notre humanité ? Est-ce une course à la mort ou à la métamorphose ?
Serait-ce à la fois l'un et l'autre ?
Réveillons-nous !
E. M.
Peu avant son assassinat par les nazis le 16 juin 1944, l'historien et résistant Marc Bloch nous a laissé un message d'espoir. Celui de voir la discipline à laquelle il avait voué sa vie aider les hommes à mieux vivre. En hommage à son illustre prédécesseur et à son message plus que jamais nécessaire, Gérard Noiriel a sélectionné une partie des chroniques " Le pourquoi du comment : histoire " qu'il présente chaque jour sur France Culture dans l'émission " Le Cours de l'histoire " par Xavier Mauduit. Ces chroniques montrent comment les progrès de la recherche historique peuvent nous aider à combattre nos préjugés, à mieux connaître la souffrance des hommes, tout en offrant aux citoyens des éclairages permettant de comprendre l'actualité politique. Un ouvrage ambitieux mais qui, parce qu'il fait appel à des histoires singulières et hautes en couleur, ou aborde de façon inattendue des événements connus de chacun, se veut avant tout accessible et distrayant.
Depuis des siècles, nous nous racontons sur les origines de l'inégalité une histoire très simple. Pendant l'essentiel de leur existence sur terre, les êtres humains auraient vécu au sein de petits clans de chasseurs-cueilleurs. Puis l'agriculture aurait fait son entrée, et avec elle la propriété privée. Enfin seraient nées les villes, marquant l'apparition non seulement de la civilisation, mais aussi des guerres, de la bureaucratie, du patriarcat et de l'esclavage. Or ce récit pose un gros problème : il est faux.
Comment l'humanité, qui était au sommet du progrès technique, a-t-elle pu se laisser happer par la barbarie totalitaire et finir par y sombrer ? Telle est la question de Condition de l'homme moderne. Cette faillite est la conséquence de l'oubli par l'homme moderne d'un monde de valeurs partagées et discutées en commun avecautrui, dès lors qu'il n'a plus envisagé les choses qu'au travers du prisme de leur utilité pour son bonheur privé. Indifférent aux autres, l'homme moderne ne forme plus avec eux qu'une foule d'individus sans lien véritable et sans défense contre la voracité des dictateurs et des leaders providentiels. Seule une « revalorisation de l'action »,nous dit Arendt, cette intervention consciente avec et en direction d'autrui, permettra à l'homme moderne d'échapper aux dangers qui pèsent toujours sur sa condition.
Paru une première fois en français en 1961, Condition de l'homme moderne est le premier texte de Hannah Arendt publié en France. Cette réédition est accompagnée de l'importante préface originale de Paul Ricoeur qui reste à ce jour une des meilleures introductions à la pensée d'Arendt. Dans son avant-propos inédit, Laure Adler montre comment le texte d'Arendt fut et reste visionnaire dans l'éclairage qu'il jette sur les urgences d'aujourd'hui.
C'est une piste de ciment et d'herbe, cachée dans la forêt, non loin du cercle arctique russe. Une bande grise de deux kilomètres, marquée par des pneus géants peints, des drapeaux ; au bout ; un hangar de bois et de tôle ; tout autour, les chemins de terre noir, mais aussi la neige, les ours et les loups. Une sauvagerie presque rêvée, entre Michel Strogoff et Tolstoï.
Sergueï Alexandrovitch Ilyne est arrivé sous l'ère soviétique, et il est resté. A la grande époque, la piste comptait, accueillant des milliers de passagers au coeur de l'archipel, en route vers les sites du grand nord, ou vers la ville à côté. Plus de cent employés travaillaient ici. Les vols ne cessaient jamais, et parfois très loin, on devinait des forteresses, en chemin vers d'autres missions. Puis l'empire s'est effondré, le pays a changé de nom, de modèle, d'histoire, Eltsine l'alcoolique a été remplacé par le jeune Poutine, le FSB a pris le pouvoir et l'argent : la piste a été oubliée.
Sergueï est donc seul à entretenir sa piste, sans paie véritable, sans hiérarchie. Avec Macha sa compagne, quelques amis, le policier Dima, le pope voisin, il bouche le ciment, dégage le bois, imagine des éclairages, attend un appel, un ordre, une urgence, venu de la terre ou du ciel, mais rien. C'est un homme meurtri, un idéaliste. En 2010, un avion lourd s'écrase dans la forêt, en bout de piste, mais comment rendre force et usage à l'empire, quand celui-ci s'est perdu tout entier ?
Dans ce magnifique récit poétique, fondé sur une histoire vraie, Marc Nexon nous offre un pan d'histoire, sans nostalgie et à hauteur d'homme, mais avec la tendresse pour ceux qui croient à leur cause.
« Stress », « burn out » ou « charge mentale » : les xxe et xxie siècles ont vu une irrépressible extension du domaine de la fatigue. Les épuisements s'étendent du lieu de travail au foyer, du loisir aux conduites quotidiennes. Une hypothèse traverse ce livre : le gain d'autonomie, réelle ou postulée, acquis par l'individu des sociétés occidentales, la découverte d'un « moi » plus autonome, le rêve toujours accru d'affranchissement et de liberté ont rendu toujours plus difficile à vivre tout ce qui peut contraindre et entraver.
Que nous est-il arrivé ?
Ce livre novateur révèle une histoire encore peu étudiée, riche de métamorphoses et de surprises, depuis le Moyen Âge jusqu'à nos jours. Les formes « privilégiées » de fatigues, celles qui mobilisent les commentaires, celles qui s'imposent en priorité aux yeux de tous, évoluent avec le temps. Les symptômes de la fatigue se modifient, les mots s'ajustent (« langueur », « dépérissement », « pénibilité »...), des explications se déploient, des degrés se précisent, des revendications se font jour.
Un parcours passionnant qui croise histoire du corps et de sensibilités, des structures sociales et du travail, de la guerre et du sport, jusqu'à celle de notre intimité. Pour éclairer tout autrement notre présent.
Après ses vies de Magellan, de Marie Stuart ou de Fouché, faut-il rappeler le génie de biographe de Stefan Zweig ? Marie-Antoinette (1933) rétablit la courbe et la vérité d'un destin obscurci par la passion ou la honte posthumes. L'auteur a fait le ménage dans la documentation, puisant dans la correspondance de Marie-Antoinette avec sa mère, Marie-Thérèse d'Autriche, et dans les papiers de Fersen, grand amour de la reine.
Qui était Marie-Antoinette faite, l'année de ses quinze ans et par raison d'Etat, reine de France ? Une débauchée futile ? Une icône pour la Restauration ? Nous la suivons de la chambre de son époux, qu'elle appelait son « nonchalant mari », le falot Louis XVI, jusqu'au lit de la guillotine. Quel voyage ! Quelle histoire ! Le monde enchanté et dispendieux de Trianon, la maternité, le début de l'impopularité, l'affaire du collier, la Révolution qui la prit pour cible, la fuite à Varennes, la Conciergerie, l'échafaud...
Zweig s'est penché sur Marie-Antoinette en psychologue. Il ne la divinise pas : elle « n'était ni la grande sainte du royalisme ni la grande « grue » de la Révolution, mais un être moyen, une femme en somme ordinaire ». Il analyse la chimie d'une âme bouleversé par les événements, qui, sous le poids du malheur et de l'Histoire, se révèle à elle-même et se rachète, passant de l'ombre de la jouissance à la lumière de la souffrance. « A la toute dernière heure, Marie-Antoinette, nature moyenne, atteint au tragique et devient égale à son destin ».
Davantage qu'un livre d'histoire : un roman vrai.
Vert
Aimez-vous le vert ? À cette question les réponses sont partagées. En Europe, une personne sur six environ a le vert pour couleur préférée ; mais il s'en trouve presque autant pour le détester. Couleur ambivalente, sinon ambiguë, il est symbole de vie, de sève, de chance et d'espérance d'un côté, associé au poison, au malheur, au Diable et à ses créatures de l'autre.
Chimiquement instable, le vert a été apparenté à tout ce qui était changeant : l'enfance, l'amour, la chance, le jeu, le hasard, l'argent. Ce n'est qu'à l'époque romantique qu'il est définitivement devenu la couleur de la nature, puis celle de la santé, de l'hygiène et enfin de l'écologie. Aujourd'hui, l'Occident lui confie l'impossible mission de sauver la planète.
Michel Pastoureau retrace avec un talent inégalable la longue histoire sociale, artistique et symbolique du vert dans les sociétés européennes, de la Grèce antique jusqu'à nos jours.
Michel Pastoureau
Historien, spécialiste des couleurs, des images, des emblèmes et du bestiaire, Michel Pastoureau est directeur d'études émérites à l'École pratique des hautes études. Il a notamment publié au Seuil L'Étoffe du diable, Bleu, Une histoire symbolique du Moyen Âge occidental et L'Ours, tous disponibles en " Points Histoire ".