Grand Vizir, homme de parti à la tête du Comité Union et Progrès, Talaat Pacha (1874-1921) a exercé un pouvoir considérable et s'est imposé comme le dirigeant de facto de l'Empire ottoman pendant la Grande Guerre. Hans-Lukas Kieser brosse ici magistralement son portrait, depuis son rôle dans la révolution jeune-turque de 1908 jusqu'à son exil dans l'Allemagne de Weimar en 1918 et son assassinat. Il explique comment Talaat s'est maintenu à la tête de l'Empire grâce à un puissant mélange d'impérialisme revisité, d'islam politique, de violence extrême et d'ultra ethno-nationalisme qu'il a contribué à forger et qui a affecté toutes les minorités non turques. Il examine précisément ce qui l'a conduit à organiser et faire exécuter un acte monstrueux, fondateur de la nation turque : le génocide des Arméniens. Replaçant cette histoire au cœur des événements mondiaux, pointant la complicité plus ou moins appuyée de ses voisins occidentaux, Hans-Lukas Kieser montre combien les actions cataclysmiques de Talaat et ses crimes, restés impunis, ont été déclencheurs de notre " terrible XXe siècle ".
Par sa conception de ce que devait être la nation, Talaat, avant Kemal Atatürk en 1923, a posé les fondations de la Turquie moderne. Il a continué à exercer une influence souterraine jusqu'à nos jours.
Préface d'Antoine Garapon
Traduction de l'allemand par Gari Ulubeyan
Phénicien, araméen, hébreu, grec, latin, étrusque, berbère, arabe, turc, espagnol, italien, français : ces langues du pourtour méditerranéen nous parlent de l'histoire de ce continent liquide. Elles sont d'abord la trace des empires et puissances qui se sont succédé en Méditerranée, mais aussi celle du commerce des hommes, des idées et des denrées, qui ont constitué cet espace en un ensemble homogène. Ce livre se fondant sur une approche sociolinguistique et géopolitique, prend donc les langues, " linguae nostrae ", comme le fil rouge de cette histoire. Car les langues et les mots ont une mémoire. Ils sont le témoin des interactions, des conquêtes, des expéditions, des circulations. Que ce soit dans les emprunts, la sémantique, les alphabets, ou la toponymie, les traces des échanges au sein de cette mare nostrum sont nombreuses. Du voyage d'Ulysse aux migrations d'aujourd'hui, en passant par les croisades et les échelles du Levant, ces langues ont façonné et habité la Méditerranée, au rythme des événements historiques qui l'ont marquée, et qui en font le laboratoire de l'humanité depuis plus de 3 000 ans.
Camicera nera des fascistes italiens ou chemises brunes des nazis, veste Mao ou béret étoilé du Che, foulard rouge des Komsomols en URSS ou bleu des Pionniers en RDA, krâma cambodgien : tous ces vêtements sont emblématiques des totalitarismes du XXe siècle. Symboles politiques, ils ont convoqué des imaginaires et véhiculé des idéologies.
L'attention souvent scrupuleuse portée par les différents régimes – fascistes ou communistes – à la codification et à l'uniformisation des apparences invite à explorer toutes les facettes de ce langage du pouvoir.
Témoin et instrument d'une volonté prométhéenne d'emprise et de contrôle, signe d'appartenance et de solidarité mais aussi de hiérarchie et de soumission, d'assujettissement et d'exclusion, le vestiaire a permis d'encadrer toutes les sphères de la vie sociale, d'exalter les valeurs et idéaux politiques, de donner à voir une communauté unie derrière son chef.
Comment les populations ont-elles vécu l'obligation de porter telle ou telle pièce d'étoffe ? Quels furent les effets réels du port de ces vêtements ? Autant de questions permettant de comprendre davantage les processus d'embrigadement et d'oppression des populations, ainsi que leurs limites.
L'article, le graphique, la fiche, le poster, le cahier de laboratoire sont quelques-uns des nombreux outils du travail scientifique étudiésdans cet ouvrage qui offre une histoire matérielle de la culture savante entre le XVIe et le XXIe siècle. Il rend manifeste, de la médecine à l'archéologie, de la géographie à la chirurgie, ce que l'on ne voit pas ou plus dans les résultats : la masse imposante de l'outillage à disposition, sa grande diversité, son accroissement constant. S'y ajoutent les ressources des savants eux-mêmes, celles de leurs sens éduqués ou amplifiés par de multiples instruments. Les configurations fascinantes que ces outils et leur emploi créent entre écrit, image, parole, regard et geste révèlent le caractère composite, multimédia et multisensoriel, de l'ordre raisonné du savoir. Explorer la science dans sa matérialité éclaire d'un jour nouveau des pans entiers de l'histoire intellectuelle. Les outils de travail ne sont pas de simples à-côtés des idées. Ils participent étroitement à la connaissance, entre objectivité scientifique et éléments empruntés à l'expérience des sens. Un essai d'anthropologie des savoirs qui porte un regard original sur l'ordinaire de la science.
Déluge, vol du feu, origine de la sexualité, femmesoiseaux, autant de mythes que l'on retrouve, sous une forme ou sous une autre, un peu partout.
Déluge, vol du feu, origine de la sexualité, femmesoiseaux, autant de mythes que l'on retrouve, sous une forme ou sous une autre, un peu partout. Autant de mythes recueillis, annotés, comparés, commentés par des savants qui, ce faisant, ont créé une discipline en développant des concepts spécifiques – comme agresseur, donateur, héros, initiation... – afin de répondre aux questions soulevées : quelle est l'origine de ces mythes ? comment sont-ils répartis ? comment peut-on les interpréter ?
C'est autour de trois piliers, mythes, mythologues et concepts, que ce dictionnaire est conçu. Avec près de 1 400 entrées concernant les récits mythiques de plus de 1 300 peuples, il présente un tableau d'ensemble de la science mythologique d'une ampleur et d'une ambition sans égales.
À la lueur d'une bougie, Howard Carter scrute l'intérieur de la tombe du pharaon Toutankhamon. Il cligne des yeux. Derrière lui, on s'agite, on l'interroge : " Que voyez-vous ? – Des merveilles ! " répond-il.
À la lueur d'une bougie, Howard Carter scrute l'intérieur de la tombe du pharaon Toutankhamon. Il cligne des yeux. Derrière lui, on s'agite, on l'interroge : " Que voyez-vous ? – Des merveilles ! " répond-il. La découverte sera suivie de dix années de labeur, de fouilles minutieuses. Aujourd'hui, l'archéologue garde en main la pioche et la truelle, mais il n'hésite pas à se servir du tomodensitomètre, de l'ADN, ou du scanner haute définition. Les techniques d'investigation progressent et les mystères du pharaon s'éclaircissent.
Cline nous livre une fascinante histoire de l'archéologie. Fort de plus de trente ans de chantiers de fouilles, en Grèce et au Levant, il nous entraîne dans un Grand Tour haletant à travers les âges et les continents : Pompéi, Troie, Ur, Copán... mais encore Chauvet, Göbekli Tepe, Santorin, Teotihuacán, Machu Picchu... Il nous guide aussi dans le panthéon des archéologues, à la rencontre d'un Heinrich Schliemann ou d'une Kathleen Kenyon, non sans parfois démythifier quelques figures tutélaires d'une aventure souvent collective.
Son récit, au style enlevé, donne les clés pour comprendre l'archéologie en rendant compte des avancées les plus récentes de la recherche. Il dévoile aussi à chacun les techniques aujourd'hui employées pour repérer, dater, fouiller, conserver... en une passionnante initiation.
Minuscule livre de poche (12 x 8 cm), le manuscrit mis en vente en 2014 par une galerie parisienne, fruste, usé, dépenaillé et à peine déchiffrable, a pourtant suscité un extraordinaire engouement international et d'intenses investigations scientifiques. Ce libricino qu'un frère itinérant, disciple de François d'Assise, glissait dans sa besace voici huit cents ans fut, en quelques mois, acquis par la Bibliothèque nationale de France, numérisé et mis en ligne sur Gallica pour être offert à l'expertise internationale.
Quelques années de recherche plus tard, les 122 petits feuillets n'ont pas livré tous leurs secrets, mais les spécialistes ici réunis, experts en physique, chimie, biologie, paléographie, codicologie, philologie, histoire ou théologie, ont opéré des avancées décisives.
Ce recueil contient non seulement une Vie inédite de saint François (1181-1226) rédigée dans les années 1230, mais aussi divers sermons connus ou inédits d'Antoine de Padoue, un commentaire au Pater noster où vibre peut-être la ferveur du Poverello en personne, des extraits, des florilèges ou la copie d'œuvres entières comme les étranges Révélations du pseudo-Méthode. Trésor historique inestimable, il est aussi un " objet total " qu'il faut observer, sonder, explorer, pour extraire toutes les informations que recèlent ses matériaux, sa fabrication, son usage. Cet attachant recueil constitue un témoignage exceptionnel des préoccupations et de la sensibilité d'un petit groupe de Frères mineurs, au lendemain de la disparition de leur fondateur.
Les experts réunis offrent ici les premiers résultats scientifiques de leurs études. Peut-être le plus important de leurs acquis est-il le dépassement du clivage entre sciences dures et sciences humaines au service d'une recherche faite de rigueur et d'inventivité.
Un combattant à l'Élysée
Député à vingt-cinq ans, premier socialiste à recevoir un portefeuille ministériel, ministre de la Guerre en 1914, représentant du Gouvernement dans l'Alsace redevenue française, président du Conseil puis président de la République en 1920, Alexandre Millerand a mené sa carrière politique à la vitesse " d'un boulet de canon ", selon l'expression de son camarade Viviani.
Pourtant, malgré une œuvre incontestable de pionnier, il est aujourd'hui le grand oublié du roman national, à la différence de ses amis, Clemenceau, Poincaré, Briand ou Jaurès. L'engagement de celui qui s'illustra comme un des premiers adversaires de Boulanger et un défenseur de Dreyfus a été mal compris. Dépassé à gauche alors qu'il défend l'idéal républicain et un socialisme du gouvernement, il l'est aussi à droite, son patriotisme ayant été largement utilisé et manipulé par l'extrême droite. Son idéal de gouvernement au centre est rejeté par les partis politiques, qui le chassent brutalement du pouvoir en 1924, le précipitant dans une retraite volontaire de vingt années.
Grâce à l'exploitation d'archives inédites, Jean-Philippe Dumas retrace le parcours de cet homme politique tout entier d'exigence et de refus du compromis. À travers le regard toujours vif de celui-ci, il relit l'histoire de la Troisième République, mais surtout fait revivre une pensée essentielle sur la France, la République et la nation.
À l'heure où les thèmes mis en avant par Millerand, la laïcité, le patriotisme, la modernisation des institutions, mais aussi le paritarisme, sont au cœur des débats qui passionnent la société française, il est plus que jamais nécessaire de faire appel à l'expérience d'un homme qui a conduit le pays aux moments les plus dramatiques de son histoire.
Pour nos contemporains, l'évocation des pirates et des corsaires se résume aux aventures flamboyantes de marins dans la mer des Caraïbes ou aux attaques de farouches brigands au large de la Somalie. Moins réductrice, la réalité est à la fois multiple, passionnante et souvent plus riche que la fiction. L'Histoire des pirates et des corsaires propose un tableau de ces phénomènes maritimes sur la longue durée jalonné de fi gures emblématiques comme celles de Drake, Surcouf, Duguay-Trouin, Dragut, Barberousse, Koxinga. Elle invite à un voyage dans le temps, des pirates de la Méditerranée antique et des raids maritimes vikings au Moyen Âge à la piraterie pratiquée de nos jours en Asie du Sud-Est. Mais aussi à un voyage dans l'espace, de l'Europe aux Antilles, en passant par la mer de Chine et les rives de l'océan Indien. Un intérêt est également accordé à l'ancrage de la piraterie dans nos mémoires, à l'élaboration de mythes et à leurs prolongements dans les mondes virtuels du cinéma, de la BD et des jeux électroniques. La première histoire exhaustive des pirates et des corsaires à l'échelle mondiale.
Champion des passés les plus révolus, chef de file de nostalgies indigestes, voix sépulcrale surgie de temps poussiéreux : les mobilisations posthumes de Louis de Bonald en inspirateur des droites extrêmes et théoricien des conservatismes radicaux ont contribué à le figer en penseur qui aurait déploré sans fin l'ordre de l'Ancien Régime. Un homme déjà en retard sur son temps et comme à côté de son siècle.
Il y a assurément quelque gageure à sortir l'auteur de la
Théorie du pouvoir politique et religieux (1796), héraut de l'Église dont le nom est resté attaché à une loi sur l'abolition du divorce (1816), de cette lecture par trop univoque pour interroger sa paradoxale modernité. C'est ainsi qu'on découvre un enfant des Lumières – un moment mousquetaire – pleinement engagé dans le bouillonnement post-révolutionnaire, maire de Millau avant et après 1789 puis exilé volontaire. Un publiciste inlassable, plus tard reconnu comme un précurseur de la sociologie, un académicien et un député écouté : une figure intellectuelle majeure du premier XIXe siècle.
Nourri d'archives et d'inédits, de textes et de discours oubliés, ce portrait aussi novateur qu'alerte replace les prises de positions de Bonald au contact des événements. Restituant son regard acéré sur son époque, ses espoirs comme ses déceptions, il met en lumière le projet philosophique et politique qui l'a guidé tout au long d'une route accidentée : non pas celui d'une restauration d'un passé idéalisé, mais celui d'une régénération politique et sociale qui demeure à venir.
Préface de Gérard Gengembre
Le monachisme est fondamentalement un habitus, un mode de vie, une manière d'être. Il repose sur une discipline collective, découle d'une contrainte en principe librement assumée. Cette auto-coercition a duré tout le millénaire médiéval ; ce consentement dure encore. Quel autre projet humain a ainsi traversé l'espace et le temps, quasiment intact ?
Du VIe au XVe siècle et plus particulièrement au cours d'un long XIIe siècle, de la fondation de Fontevraud en 1101 à la mort de François d'Assise en 1226, cet ouvrage tente de restituer l'unité de ces formes de vie en-deçà des variantes et des reformulations qu'elles ont pu connaître au fil du temps.
Jacques Dalarun analyse et anime ce projet singulier en mobilisant Règles (bénédictine, grandmontaine ou franciscaine), coutumes (de Cluny, de Cîteaux, de Fontevraud, du Paraclet), chroniques (de Raoul Glaber), vies de saints (de Robert d'Arbrissel, de Bérard des Marses), correspondances (d'Héloïse et d'Abélard). Il le réinscrit dans la société médiévale et interroge sa place et son mode de fonctionnement. Comment une société valorisant le lignage et la transmission héréditaire a-t-elle pu créer une fraternité fictive par un constant détournement de fidélité ? Comment former un seul corps participant nuit et jour à l'opus Dei ?
C'est plus globalement l'expansion du monachisme par capillarité dans la société, à l'époque où le corps social dans son ensemble s'imprègne des valeurs du cloître, que capte cet ouvrage traversé d'une interrogation très contemporaine sur la vie collective.
Aujourd'hui l'Histoire est partout, mobilisée de toutes parts. On fait appel au passé afin de se remémorer les grands moments d'un âge d'or perdu, de faire resurgir une litanie de griefs envers autrui, ou encore d'asseoir un projet nationaliste. Or tous ces usages politiques de l'Histoire menacent la discipline.
Même l'Histoire à grande échelle, qui se veut a priori intégrative et sans parti-pris, est mise à contribution. Des essais à vocation prétendument universaliste des historiens occidentaux du xixe siècle, visant à légitimer la colonisation, aux projets plus récents d'histoires globales servant une vision politique, preuve a été faite qu'une Histoire universelle honnête et respectueuse de toutes les sensibilités était illusoire.
Pour Sanjay Subrahmanyam, l'" universalisation " de l'Histoire n'est qu'un processus d'exclusion délibéré. C'est pourquoi il préfère l'" Histoire connectée " à l'" Histoire universelle ", et plaide avant tout pour une pratique historique élaborée dans un esprit d'échange et d'ouverture à d'autres expériences et d'autres cultures, de curiosité pour d'autres parties du monde et d'autres peuples, et non dans un esprit de revendication identitaire ou d'autosatisfaction nationale et culturelle.
Le sel, généreusement dispensé par la nature, a joué un rôle fondamental dans les diverses cultures humaines. Indispensable aux êtres vivants, présent dans chaque foyer, il donne saveur aux aliments, permet de les conserver et joue un rôle biologique important dans l'équilibre d'un organisme.
Le sel, généreusement dispensé par la nature, a joué un rôle fondamental dans les diverses cultures humaines. Indispensable aux êtres vivants, présent dans chaque foyer, il donne saveur aux aliments, permet de les conserver et joue un rôle biologique important dans l'équilibre d'un organisme. Consommé par tous quotidiennement, on lui accorde également une valeur rituelle et symbolique, voire un pouvoir magique. Produit unique et abondant, il est néanmoins souvent caché, enfoui dans le sol ou bien en dissolution dans la mer. Les hommes ont donc fait preuve, depuis les temps préhistoriques, de beaucoup d'ingéniosité à l'extraire. Comment le sel est-il produit ? Où le trouve-t-on ? Comment s'échange-t-on cette denrée ? Qui en tire le meilleur profit ? En dix chapitres, dix études qui peuvent se lire séparément les unes des autres, le livre répond à ces questions.
On découvrira la peine des esclaves et des forçats dans les bagnes du sel, le partage des revenus au détriment des sauniers, la construction d'une saline fortifiée aux portes de la Camargue, les efforts des Suisses longtemps démunis pour faire venir le précieux minéral, l'entrée du sel dans l'économie mondialisée dès la fin du Moyen Âge, les flottes des puissances maritimes du nord de l'Europe qui traversent l'Atlantique à la recherche de ce produit stratégique, l'instauration de la gabelle dans un grand nombre d'États, etc. Grand produit agricole, minier, industriel et commercial, le sel est entré précocement dans la révolution industrielle, il a ensuite ouvert les voies de la mondialisation, accompagnant une fois de plus une grande mutation de l'économie-monde et ce, bien avant la fin du XXe siècle.
C'est vers 1660 que la France entre dans le grand commerce atlantique et colonial, notamment avec le port de Saint-Malo. Mais l'essor du négoce colonial au siècle suivant, avec la production antillaise de canne à sucre, d'indigo et de café, et le développement de la traite négrière, occulte souvent l'émergence de ce premier système capitaliste maritime au XVIIe. Et fait oublier que le
commerce colonial se poursuit, sous d'autres formes, avec le vaste empire que la France se constitue à partir du XIXe siècle.
Les sirènes coloniales ont séduit de nombreux acteurs, mais les risques encourus par le négoce investissant dans des circuits commerciaux lointains sont nombreux, et les richesses accumulées aléatoires. Les fortunes de mer réservent des surprises. Ainsi la fabuleuse croissance du commerce colonial au XVIIIe siècle n'est-elle pas en partie illusoire ? Constitue-t-elle véritablement l'un des piliers du développement économique national ou ne profite-t-elle qu'à un petit nombre ? Quels rôles jouent l'État, la noblesse et les milieux négociants dans l'affaire ? Autant de questions auxquelles on trouvera ici des réponses. Grâce au recul du temps long (des années 1660 à 1914, voire 1940) et à une approche combinant des méthodes rarement connectées : étude quantitative, culture des acteurs du jeu économique, rôle de l'État..., se dessine un panorama complet du grand capitalisme maritime français, de ses forces et de ses faiblesses, ainsi que de ses acteurs.
La tragique actualité syrienne a ravivé le mythe de Palmyre. Il est devenu urgent de redécouvrir les grandeurs de cette cité gréco-romaine d'Orient aux confins des mondes romain et parthe, puis perse.
La tragique actualité syrienne a ravivé le mythe de Palmyre. Il est devenu urgent de redécouvrir les grandeurs de cette cité gréco-romaine d'Orient aux confins des mondes romain et parthe, puis perse.
Dans cette synthèse historique et archéologique inédite, Christiane Delplace, l'une des meilleures spécialistes du site, met des images sur les mots, fait resurgir les monuments, nous donne à voir l'histoire politique et culturelle.
En réunissant une iconographie rare, l'auteur nous guide dans la suite des histoires palmyréniennes et nous livre les différentes facettes de ce trésor antique. Les grandes étapes historiques de la ville y sont contées de la manière la plus précise : Palmyre avant les Romains et le raid d'Antoine, la montée en puissance de la ville au Ier siècle, son apogée au IIe jusqu'à la percée des périls au IIIe siècle, et son déclin. À chacune de ces étapes, l'auteur nous fait sentir la personnalité de la ville, à travers la place des cultes, du commerce, de la guerre ou des morts. Les monuments sont expliqués, commentés, datés et replacés dans leur contexte. Le sanctuaire de Bêl, les temples, la grande colonnade, les monuments de spectacles, l'habitat ou les tombeaux de Palmyre se relèvent. Les caravanes et les tribus palmyréniennes renaissent. Palmyre scintille à nouveau.
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Mettant son art ancien, le dessin, au service de la science moderne, Jean-Claude Golvin, architecte et archéologue (CNRS), offre ici trois restitutions graphiques majeures de Palmyre et de son environnement.
Fondée en 1878 par le traité de San Stefano, puis mutilée par celui de Berlin la même année, la principauté autonome de Bulgarie voit ses destinées confiées en 1887 à Ferdinand de Saxe-Cobourg et Gotha. Le nouveau knyaz s'évertue dès son avènement à imposer les ambitions de son pays dans l'arène internationale et à mener les Bulgares vers la réalisation de leurs idéaux nationaux. À la fois vassale de l'Empire ottoman, jusqu'à la reconnaissance de son indépendance en 1908, et sous influence russe, la Bulgarie demeure un enjeu du conflit latent que se livrent les deux empires. Ferdinand Ier se heurte également à la rivalité des États environnants et aux politiques balkaniques contradictoires des puissances européennes.
Le prince aiguise son sens de la diplomatie au fil des ans. Il déploie une politique extérieure visant à tirer profit de la position stratégique de son pays et des inimitiés des forces en présence. Cette politique est mise à l'épreuve au cours des secousses qui rythment les premières décennies du XXe siècle, notamment pendant les guerres balkaniques et le premier conflit mondial. Les deux défaites de 1913 et 1918, vécues par la population comme des " catastrophes nationales ", ont durablement marqué la mémoire bulgare. Mais ces échecs, loin d'être imputables au seul Ferdinand, résultent aussi d'un écheveau de causes complexes caractérisant alors la région.
Au travers du portrait du tsar, Charlotte Nicollet présente unehistoire incarnée des Balkans à la veille du délitement ottoman.
La cochenille n'aurait pu être qu'un insecte parasite du nopal, cactus des hauts plateaux du Mexique. Grâce aux soins des peuples précolombiens, son cadavre est devenu un trésor convoité par toute l'Europe. Matière première pour teindre dans une gamme de rouges du luxe (carmins, cramoisis, écarlates), elle y a détrôné le vermillon du kermès.
Danielle Trichaud-Buti et Gilbert Buti se livrent à la traque de l'étonnant insecte qui participe à la première mondialisation des échanges. Après avoir présenté le produit dans l'espace amérindien et son contrôle par les Espagnols, ils en retracent sa redistribution en pointant le rôle de Marseille, " place la plus délicate de l'Europe " au XVIIIe siècle. L'enquête se prolonge par l'étude de son acclimatation dans le monde au XIXe siècle avant son abandon provoqué par les colorants synthétiques, puis son discret retour de nos jours comme colorant naturel.
Une épopée haute en couleur à travers le Nouveau et l'Ancien Monde, où se tissent les destins ordinaires et exceptionnels d'aventuriers, d'artisans et de marchands, mais aussi de scientifiques botanistes, naturalistes et géographes parmi les plus passionnants.
Qu'on la nomme histoire globale, mondiale, connectée, histoire-monde ou world history, c'est elle qui aujourd'hui suscite l'intérêt des lecteurs, des médias, des universitaires, et tend à façonner notre représentation du passé. Mais qu'est-ce que l'histoire globale ? Que propose-t-elle ?
Qu'on la nomme histoire globale, mondiale, connectée, histoire-monde ou world history, c'est elle qui aujourd'hui suscite l'intérêt des lecteurs, des médias, des universitaires, et tend à façonner notre représentation du passé. Mais qu'est-ce que l'histoire globale ? Que propose-t-elle ? La belle synthèse d'Alessandro Stanziani fournit toutes les clés pour comprendre l'essor et les ambitions de cette histoire plurielle. Filiations multiples, bifurcations inattendues, brassages et métissages : affranchie de l'européocentrisme, l'histoire globale élargit les horizons géographiques, déborde les cadres nationaux, pense le monde à partir des connexions et des relations au sein d'entités politiques ou économiques hétérogènes. Elle a pour objet les migrations d'hommes, de biens, d'idées, de savoirs, de symboles, mais aussi le changement climatique, les révolutions technologiques, l'évolution des mentalités...
Saisies dans la longue durée, et à l'intersection de plusieurs mondes, Alessandro Stanziani explore à nouveaux frais les relations que l'histoire établit avec la philosophie, la sociologie, la philologie et l'économie : ces interactions délimitent la portée de l'histoire globale par rapport aux autres approches.
Face aux progrès du nationalisme, cette façon de faire de l'histoire permet de revisiter le passé d'un certain nombre d'événements, de culture et/ou de régions. De l'Inde à la Russie, des décolonisations à l'islam, cet ouvrage montre que l'histoire globale invite à multiplier les angles de vue, mais aussi à dépasser la vision de l'histoire comme choc entre les civilisations.
Arrestation du dirigeant Jacques Duclos à la suite des manifestations contre le général américain " Ridgway la peste ", accusations de complot, répression militaire des " soldats du refus ", affaire Audin, tuerie de Charonne. À l'heure de la guerre froide, des conflits indochinois et algérien, les militants communistes affrontent la mécanique répressive d'un État lancé dans la chasse aux " criminels politiques ". Nourri d'archives inédites et de nombreux témoignages, le livre de Vanessa Codaccioni nous entraine dans les coulisses politiques des poursuites judiciaires orchestrées contre les opposants. Elle montre comment les agents de l'État répriment leurs " populations cibles ", mais aussi comment en retour, au sein du PCF, la répression est utilisée à des fins politiques et militantes. Mais comment devient-on le " héros " d'un groupe ou, a` l'inverse, un " traître à la patrie " ? Qui faut-il être et quel crime faut-il avoir commis pour se retrouver au cœur d'une affaire d'atteinte à la sûreté de l'État ? En quoi le procès politique est-il l'une des manifestations les plus visibles de l'affrontement entre le pouvoir central et les ennemis du régime ? En portant l'analyse au cœur de ces relations conflictuelles, ce livre de sociologie historique renouvelle largement notre connaissance de la IVe République et des débuts de la Ve, et éclaire les rapports entre l'État et ses opposants en périodes de crise.
Trafics de drogues, d'armes et d'êtres humains, contrebande, contrefaçons, fraudes financières, crimes écologiques, mafias, guérillas passées au narcotrafic, bandes criminelles de quartiers, corruption... Comment prévenir et juguler ces fléaux qui menacent la sécurité des citoyens, des États, de l'Europe ? Francois Farcy et Jean-Francois Gayraud montrent pourquoi et comment le renseignement est indispensable pour, sinon déraciner, du moins combattre plus efficacement des criminalités protéiformes et toujours plus transnationales - une approche nouvelle exigeant la radicale remise en cause de tactiques usées, lentes et stérilisantes. Visant à sortir les forces de police d'une attitude statique et réactive face au crime, le renseignement criminel, lui, combine une vision, l'anticipation, et une pratique alliant la recherche et l'analyse. Au total et pour la première fois, cet ouvrage offre une étude rigoureuse et novatrice, permettant d'analyser et combattre ces nouvelles criminalités constituant la face obscure de la mondialisation.
Kōjin Karatani, éminent intellectuel japonais contemporain, est un lecteur critique de Marx : son livre Transcritique (2001) marque un engagement proche des positions de Slavoj Zizek ou de Toni Negri.
Kōjin Karatani, éminent intellectuel japonais contemporain, est un lecteur critique de Marx : son livre Transcritique (2001) marque un engagement proche des positions de Slavoj Zizek ou de Toni Negri.
Paru dix ans plus tard, Structure de l'histoire du monde propose une histoire globale du monde qui se démarque de la pensée de Marx. Au lieu de privilégier les modes de production, ce sont les modes d'échange qui sont mis en avant. Ils recouvrent les relations entre les hommes mais aussi celles entre les hommes et la nature, les marchandises n'en constituant pas l'élément exclusif.
Au carrefour de la sociologie, de l'anthropologie, de l'économie, c'est une autre histoire mondiale, multiple et stratifiée que nous expose cet ouvrage, tressant ensemble échanges, formations sociales et formes de pouvoir. Réciprocité du don et du contre-don, protection contre soumission, monnaie et marchandise, voici quelques-uns des modes d'échange qui constituent la trame de cette Structure de l'histoire du monde.
Un ouvrage riche, appelant de nouvelles manières de penser et de vivre notre présent.
Qui se souvient de l'inauguration officielle du canal de Panama le 15 août 1914 ? Personne. Pourtant, après un chantier qui s'est étalé sur trente-cinq ans, un navire passe d'un océan à l'autre pour la première fois. Ce canal de Panama a été le chantier de tous les excès, le plus long, le plus coûteux en vies humaines, engloutissant des quantités énormes de capitaux venant de France, puis des États-Unis, et ternissant la carrière de nombre d'hommes politiques.
Qui se souvient de l'inauguration officielle du canal de Panama le 15 août 1914 ? Personne. Pourtant, après un chantier qui s'est étalé sur trente-cinq ans, un navire passe d'un océan à l'autre pour la première fois. Ce canal de Panama a été le chantier de tous les excès, le plus long, le plus coûteux en vies humaines, engloutissant des quantités énormes de capitaux venant de France, puis des États-Unis, et ternissant la carrière de nombre d'hommes politiques.
La réussite finale de ce canal entre deux océans est due à un ingénieur français méconnu, Adolphe Godin de Lépinay. Celui-ci avait présenté, dès mai 1879, le projet d'un " canal à écluses " lors d'un congrès international organisé par Ferdinand de Lesseps, tout juste auréolé de la construction du canal de Suez. Pourtant, il faudra attendre 1906 pour que son projet soit définitivement adopté, après bien des vicissitudes et des pertes humaines. Pourquoi son idée simple a-t-elle mis si longtemps pour faire son chemin ? Que se serait-il passé si dès 1879, Ferdinand de Lesseps avait choisi la proposition d'un canal à écluses, au lieu de dilapider l'argent dans un projet irréalisable de " canal à niveau " ?
La marche de l'Histoire a gardé très peu de traces de l'inspiration géniale de cet ingénieur, impliqué pourtant dans de nombreux projets. Le parcours de ce brillant polytechnicien est emblématique d'une époque, celle des infrastructures nouvelles qui vont permettre à la France de passer à l'ère de la modernité et d'exporter un certain savoir-faire.
Comment comprendre l'identité profonde du Hamas, mouvement surmédiatisé et pourtant méconnu, obsédé par la culture du secret, pièce maîtresse de la géopolitique au Moyen-Orient et brandon de discorde entre musulmans ? Par une fine analyse de sa politique étrangère, Leila Seurat propose des clés inattendues pour pénétrer la " boîte noire " de l'organisation islamiste. Né dans le creuset des Frères musulmans, le Hamas revendique une souveraineté que lui dénient la plupart des acteurs de la communauté internationale. Mélange d'exceptionnalité et de banalité, sa diplomatie revêt un caractère hybride, à la croisée de la force et du droit. Grâce à une excellente connaissance du terrain palestinien et de ses acteurs, Leila Seurat jette un éclairage stimulant sur cette configuration inédite, qui écorne l'image répandue d'un mouvement unifié et vertical. Une étude à rebours des idées reçues sur la politique du Hamas, entrepreneur d'idéologie et stratège pragmatique, intransigeant et négociateur, parti de gouvernement et force en exil, organisation sunnite paradoxalement alliée à la plus chiite des puissances régionales, l'Iran.
Homère a-t-il réellement existé ? La question ne se pose plus mais celle de la composition de l'Iliade et de l'Odyssée demeure. Œuvre collective de plusieurs générations d'aèdes, finalement fixée par les grammairiens d'Alexandrie, elle soulève le problème de sa diffusion orale : comment la poésie se transmet elle à travers les siècles ? Jusqu'à quel point le passage à l'écrit influence-t-il l'original ? Dominique Casajus répond à ces questions en établissant le parallèle entre l'épopée homérique et d'autres poésies orales : celle des anciens Arabes, des Touaregs, des bardes serbo-croates du début du XXe siècle sans oublier bien sûr les troubadours médiévaux qui brodaient à l'infini, dans une posture poétique solitaire, sur le thème de l'amant délaissé. À travers une constellation de figures poétiques, l'ouvrage permet au lecteur d'aujourd'hui de découvrir l'univers de la littérature orale et ses modes de création poétique entre mémoire et improvisation.