L'attitude du parti communiste, du pacte germano-soviétique à l'invasion de l'URSS, en juin 1941, demeure un sujet de controverse à cause de mensonges accumulés par le PC sur son activité durant la première année de l'Occupation. Pierre Daix montre que les avancées des études historiques sur le sujet rouvrent bien des blessures restées à vif, et qui touchent à la mémoire des étudiants communistes, tel Claude Lalet, organisateur de la première manifestation contre l'occupant nazi, le 8 novembre 1940, et à celle des combattants de l'Organisation spéciale, l'OS, dont il faisait partie.
Prolongeant sa réflexion sur les dénis de la mémoire et leurs rapports avec l'histoire, l'auteur analyse ce qu'il appelle 'les deux négationnismes' : celui qui nia la terreur communiste - des procès de Moscou aux crimes des Khmers rouges - et celui qui nie encore aujourd'hui l'extermination des Juifs par les nazis. 'L'intérêt renouvelé pour l'ensemble de ces problèmes, écrit-il, ajouté à une plus rigoureuse exploitation des archives disponibles et au recul par rapport au XXe siècle montrent que nous entrons dans une nouvelle période, enfin libérée des "enjeux mémoriels" de générations qui disparaissent.
"On lit ce livre avec un plaisir assez unique. Il peut tour à tour réjouir et indigner n'importe qui. Les étrangetés y sont convaincantes, les textes connus y paraissent neufs. La durée y est non pas fiévreuse, mais infatigable. À tout instant, sans un temps mort, on change de lieu, de sujet, d'interlocuteur. Malraux fait revivre la célèbre vivacité napoléonienne, Napoléon se prête merveilleusement à un film malrucien.
Alors paraissent au grand jour toutes nos contradictions innées. Le rassembleur est un individualiste. Une révolution qu'on sauve est tuée et une révolution qui se suicide se propage. Napoléon a des modesties provocantes et des hauteurs ubuesques. Sa lucidité surprend et ses inconsciences n'étonnent pas moins. Sa promptitude légendaire n'est pas exempte de bévues. Il touche à tout avec un bonheur déconcertant et de sinistres lacunes. Une réussite de rêve aboutit à une chute qui fait songer mais qui nimbera l'épreuve.
Malraux a cru n'avoir qu'ausculté son héros à travers les textes qui en émanent, au point de n'avoir ni signé ni présenté son montage. Mais le découpage des phrases, leur isolement ou leur regroupement, leur transposition, leur distribution selon l'irréversible chronologie d'une vie, et aussi, bien sûr, les omissions font un Napoléon plus vrai que nature."
Jean Grosjean.
La culture et l'Histoire espagnoles sont fortement marquées par le desvivirse. Cette notion difficile à traduire - une sorte d'intensité dévorante aux prises avec la réalité - est pourtant cruciale pour comprendre notre pays voisin, à la fois proche et lointain. Afin de nous faciliter le chemin, Verena von der Heyden-Rynsch nous offre ici une plongée dans la culture ibérique. Son récit est organisé autour de trois axes : la cohabitation des trois grandes religions au Moyen Âge, l'influence de la pensée d'Érasme, et enfin, ladite philosophie du desvivirse du moraliste Gracian.
À partir de quelques données historiques clefs, esquissées avec concision et clarté, l'auteur parvient à brosser un portrait très vivant de l'Espagne comme s'il s'agissait d'une personne morale et non d'un pays. En décrivant le chemin parcouru entre le IXe siècle où le pays incarnait la tolérance interreligieuse en Europe, et l'obsession du «sang pur» du XVIe siècle, elle décèle une faille qui se renforcera encore par l'obscurantisme de la contre-réforme, malgré l'influence incontestable de la pensée érasmienne. L'auteur parvient ainsi à dessiner un large arc de cercle dans l'histoire culturelle espagnole - en puisant son argumentation aussi bien dans la peinture, la philosophie, la littérature que dans l'histoire politique.
Son essai lumineux touchera non seulement les lecteurs curieux de la culture espagnole, mais aussi tous ceux qui s'intéressent à l'histoire des idées en Europe ou qui s'interrogent sur la question de la tolérance religieuse.
Comment la Gaule qui, depuis cinq siècles, vivait - bon an mal an - sous la domination romaine, est-elle devenue la France ?
Comment a-t-elle tiré son nom de celui d'un peuple « barbare » d'origine germanique ?
Comment la première dynastie des rois francs, inaugurée par Clovis, fut dite mérovingienne, en référence à son illustre ancêtre Mérovée ?
Tantôt unifiant, tantôt divisant les territoires, le royaume franc donna une identité commune à des peuples d'origines diverses : Gaulois, Romains, Burgondes, Wisigoths..., liés par une mythique ascendance, sous la houlette d'un roi converti au christianisme.
Françoise Vallet nous fait traverser cette période de grand brassage de races, de langues, d'arts et de cultures, ces trois siècles qui aboutirent à la France d'aujourd'hui.
'C'est en 1938 qu'a commencé la série d'études qui a reconstitué de grands fragments de l'idéologie, de la théologie et de la mythologie communes aux Indo-Européens avant leurs migrations. Les dix premicres années ont été consacrées ´r l'exploration sommaire de deux ensembles : la conception des trois fonctions hiérarchisées de souveraineté sacrée, de force, de fécondité ; la conception des deux aspects complémentaires, magique et juridique, de la souveraineté. Divers travaux [...], livres épuisés aujourd'hui, ont mis en forme les premicres observations. Mais les recherches ultérieures, fondées sur ces esquisses, ont permis par contrecoup de les préciser, de les corriger, de les compléter, de les coordonner.
Il était donc nécessaire de reprendre ces principa theologica en tenant compte de prcs de trente ans de progrcs et aussi de discussions ´r peu prcs ininterrompues qui les ont imposées ´r l'attention des philologies séparées. L'exposé a été concentré sur les questions fondamentales et limité aux quatre principaux témoins qui ont servi, par comparaison, ´r atteindre une réalité préhistorique, indo-européenne, ´r savoir l'Inde védique, l'Iran, Rome, la Scandinavie : les prolongements qu'ont ensuite fournis les Grecs et les Celtes ont été laissés de côté. On s'est appliqué partout ´r faire saillir les ressorts, ´r dégager les moments des argumentations.'
Georges Dumézil.
Alain a raconté, dans l'Histoire de mes pensées, qu'au début de sa carrière il enseigna pendant sept ans au lycée de Lorient et commença d'écrire des chroniques pour venir en aide à un journal local, sans argent ni rédacteurs : "C'était, dit-il, raisonnable et plat. Je le voyais bien. Alain, qui entre alors en scène, commença très mal. Il écrivait comme un professeur... Tout métier veut apprentissage." Mais quand il remplaça le gamin chargé des faits divers, au galop, et sans signer, "le style se montra de lui-même dans ces improvisations". Il chercha le secret de cette éloquence. "Alors j'achetai le premier des trois cahiers que j'ai encore, où je m'exerçais tous les jours." Et il connut le bonheur d'écrire.
Les textes qui remplissent ces trois cahiers sont des propos avant les Propos. On y trouve déjà beaucoup des thèmes qui seront, toute sa vie, ceux d'Alain. Sur la guerre, sur l'amour, sur le rire, sur l'action, la doctrine prend forme. Parfois le fameux «trait» de l'écrivain futur illumine un instant la phrase. En d'autres endroits manquent, par trop de sérieux apparent, les métaphores, les mythes, les dieux qui feront la poésie de la prose d'Alain. Mais rien n'est plus intéressant que d'étudier le premier état d'une pensée qui allait si vite s'approfondir, et de découvrir, dans les écrits de jeunesse de notre maître, ce que fut la jeunesse de l'homme.
Cet ouvrage est une réédition numérique d'un livre paru au XXe siècle, désormais indisponible dans son format d'origine.
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Dans un hymne védique, la Voix analyse son action sur les trois niveaux fonctionnels de la société : elle permet la communication permanente grâce ´r laquelle les hommes mangent et vivent harmonieusement ; elle fait retentir l'arc et produit le tumulte du combat ; elle assure les rapports réciproques des hommes et des dieux, le culte et l'inspiration. Cette analyse se retrouve dans les modes d'action qu'un hymne homérique attribue ´r Apollon délien, et aussi dans la décoration d'un célcbre vase scythique. Il s'agit donc probablement d'une trcs ancienne application de la théorie des trois fonctions. Comment les Grecs ont-ils été amenés ´r l'attribuer ´r Apollon ? Qui était Apollon ?
Rares sont les traces de la théorie trifonctionnelle dans les pocmes homériques. Quatre nouvelles applications en sont proposées. Les acdes en ont trouvé deux dans la tradition. Deux autres ont été composées par l'auteur meme de l'Odyssée.
L'histoire des premiers siccles de Rome a été constituée d'éléments trcs divers. Cinq épisodes sont présentés ou, quels qu'aient été les événements réels, l'imitation ou l'influence de sccnes de l'Iliade leur ont donné forme et sens.
Cinq contributions sont apportées ´r un dossier qui retient l'attention des savants depuis un quart de siccle : quels sont les rapports de la théorie médiévale des trois Ordres avec l'idéologie indo-européenne des trois fonctions ?
Cet ouvrage est une réédition numérique d'un livre paru au XXe siècle, désormais indisponible dans son format d'origine.
Plus éloquentes que tous les romans, Plus émouvantes que tous les poèmes, ces archives déterrées des ruines : trésors de l'Institut de Jérusalem et des Ministères de Varsovie qui racontez ces soixante-trois jours...
Troisième volume des Esquisses. Les premiers chants de l'Iliade et le conflit des trois déesses; le roman de Crésus ; Celtes et Italiques; la triade précapitoline; romans scythiques; l'idéologie des Perses... Et quelques prises de position vis-à-vis d'auteurs contemporains.
La matière romanesque de la vie de Jean-Jacques Rousseau est proprement extraordinaire. Cela commence comme un roman de Dostoïevski et finit comme un roman de Kafka.
Ce fils de Genève, de la "nouvelle Sion", qui appartient à la "race des justes", est humilié dès sa jeunesse, obligé de "ramper" et de faire tous les métiers, au reste assez mal ; tour à tour graveur, laquais, maître à chanter, amant, précepteur, secrétaire d'ambassadeur, musicien, polygraphe. À travers les aventures, les échecs, les malheurs et les
hontes, il se cherche jusqu'en 1749. Cette année-là, subitement, sur le chemin de Vincennes, après avoir lu dans le Mercure de France le sujet proposé pour le prix de l'Académie de Dijon, il "vit un autre univers et devint un autre homme". II éprouve une miraculeuse délivrance ; toutes les misères, les offenses s'abolissent dans le sentiment de sa propre valeur. Quelque chose qui avait été semé en lui dès l'enfance et qui ne pouvait pas mourir, en dépit de tout, venait enfin à la lumière.
Pendant les dix années qui suivirent, Rousseau décide de se réformer. II a de la peine à devenir le Diogène du siècle. II vend sa montre, il gagne sa vie en se faisant copiste de musique, mais il se détache mal des grands. Sa vie à l'Ermitage, puis chez les Luxembourg, est confuse. Mais il compose son oeuvre contre le courant, il remet le monde à la fonte, "fait le Dieu", définit un homme nouveau.
En 1762 la publication de l'Émile et du Contrat social ouvre l'histoire de ses malheurs. II est décrété de prise de corps. II fuit la France. Le voilà en Suisse, en Angleterre. II revient en France ; partout où il va, il se sent en surveillance et proscrit. Le monde entier lui paraît ligué
contre lui.
Ce n'est pas un Rousseau que Jean Guéhenno a voulu écrire, mais bien un Jean-Jacques, "touché, nous dit-il, de la même et ironique tendresse avec laquelle ses contemporains firent de son prénom un refrain de chanson et que toujours sans doute on éprouve dès qu'on reconnaît un autre homme que soi-même".