Sous ce titre sont regroupés des textes très divers : articles scientifiques sur les crises et les affrontements qui ont ébranlé le judaïsme, du IIe siècle avant notre ère aux négateurs du grand massacre du XXe siècle. Sont également repris des préfaces à des ouvrages de passion et de raison, des reportages en Israël, des prises de position dans la presse quotidienne ou hebdomadaire. Il se trouve que Pierre Vidal-Naquet, qui avait choisi le monde antique gréco-romain comme objet d'études historiques, était aussi un Juif. En tant que tel, il s'efforçait de penser dans l'histoire, la mémoire, le présent, le destin des siens : journaliste ou historien de métier, c'est un même homme qui a écrit tous ces textes au nom d'un même engagement existentiel.
Pendant quelque trois mille ans, le bassin méditerranéen a été un foyer de civilisation de premier ordre. Il a exercé une influence majeure sur les affaires du monde.
David Abulafia retrace ici l'histoire d'une mer à hauteur d'homme, de la guerre de Troie à la piraterie, des batailles navales entre Carthage et Rome à la diaspora juive des mondes hellénistiques, de la montée de l'Islam aux Grands Tours du XIXe siècle jusqu'au tourisme de masse du XXe siècle.
Plutôt que d'imposer une unité artificielle à l'activité foisonnante qui se déroule à la surface de la « Grande Mer », David Abulafia insiste sur sa diversité, qu'elle soit ethnique, linguistique, religieuse ou politique.
Au coeur de sa thèse se trouve l'idée que la prospérité de cités maritimes telles qu'Alexandrie, Trieste, Salonique, Venise et beaucoup d'autres, a reposé pour une large part sur leur capacité à accueillir peuples, religions et identités et à leur permettre de coexister : la Méditerranée a incarné pendant des millénaires ce lieu exceptionnel où religions, économies et systèmes politiques se sont rencontrés, affrontés, influencés et finalement assimilés.
David Abulafia combine la recherche historique la plus exigeante avec le style enlevé du conteur. Son histoire de très longue durée a été unanimement saluée comme une splendide réussite.
« Sur l'immense passé de la Méditerranée, le plus beau des témoignages est celui de la mer elle-même. Il faut le dire, le redire. Il faut la voir, la revoir. Bien sûr, elle n'explique pas tout, à elle seule, d'un passé compliqué, construit par les hommes avec plus ou moins de logique, de caprice ou d'aberrance. Mais elle resitue patiemment les expériences du passé, leur redonne les prémices de la vie, les place sous un ciel, dans un paysage que nous pouvons voir de nos propres yeux, analogues à ceux de jadis. Un moment d'attention ou d'illusion : tout semble revivre. »
On l'a compris. Ce livre est le fruit d'un vieil amoureux de la mer Intérieure qui en dévoile pour nous les balbutiements enrichis d'un savoir encyclopédique. L'historien des grands espaces et des longues durées apporte son métier et sa vision à la Préhistoire et aux antiques civilisations qui, jusqu'à l'accomplissement de la conquête romaine, ont bordé et fait la Méditerranée.
D'où une vision très libre et stimulante de ces civilisations dans leur milieu géographique, les mouvements de leurs populations, les conflits qui opposent nomades et sédentaires, l'interminable évolution technique de la domestication du feu à l'écriture, et la mise en situation de chaque grande réalisation culturelle des premiers moments de vie en Mésopotamie à l'épanouissement de la civilisation romaine...
Des pages qui, à travers les peintures de mégalithes, de pyramides, de temples grecs ou de basiliques se découpant dans une lumière d'azur, nous renvoient l'image d'un passé éternellement présent.
o Un panorama mondial qui envisage les céréales et pseudocéréales dans leur rapport à la sédentarisation de l'humanité, à l'évolution des différentes civilisations depuis le Néolithique, et à l'avenir de nos relations avec toutes les formes du vivant.
o Une étude concrète et abondamment illustrée des différentes espèces de céréales et de leurs usages
o Une source de réflexions sur les réponses que les céréales peuvent apporter aux défis alimentaires, environnementaux et spirituels des générations de demain
o Une mise en perspective de la portée symbolique et religieuse des céréales à travers les époques et les civilisations
o Un compte-rendu complet des échanges biologiques et technologiques qui se sont succédé jusqu'aux enjeux actuels de la mondialisation
o Une approche transdisciplinaire, qui combine l'expérience de terrain et les connaissances complémentaires d'Alain Bonjean, généticien des plantes, et Benoît Vermander, enseignant en sciences sociales et religieuses.
Cet ouvrage retrace la longue histoire des interactions entre l'Homme et les céréales. Depuis les premières tentatives de domestication jusqu'aux applications agronomiques les plus contemporaines de la génomique, depuis les gestes de partage qui scandent le quotidien jusqu'aux rituels agraires les plus élaborés, Alain Bonjean et Benoît Vermander dévoilent la diversité des espèces productrices de grain et celle des sociétés qui s'organisent autour de leur culture. La domestication des orges, exemplaire du travail poursuivi entre la nature et l'humanité ; la naissance des blés dans le croissant fertile, leur introduction en Europe puis dans le monde entier ; la précoce mise en valeur des millets et l'exubérance du répertoire mythique qui les accompagne ; les transferts et les drames qui ont marqué l'échange colombien, depuis l'introduction du maïs en Europe jusqu'à celle de techniques culturales africaines en Amérique du Nord ; le répertoire élaboré des riz asiatiques et des rituels associés ; la diversité maintenue des céréales africaines, celle des espèces andines trop longtemps négligées, gage d'espoir pour l'humanité... Telles sont quelques-unes des étapes de ce livre, qui ouvre des perspectives inédites sur les rapports entre l'homme et le végétal et sur les crises qui marquent aujourd'hui pareille relation.
Quand les hommes se sont-ils mis à porter des bijoux ou jouer de la musique ? Quand les vaches ont-elles été domestiquées et pourquoi donnons-nous leur lait à nos enfants ? Où sont nées les premières villes et à quoi devons-nous leur triomphe ? Qui a développé les mathématiques - ou a inventé la monnaie ? L'Histoire de l'humanité est une histoire d'invention et d'innovation : nous avons continuellement créé, utilisé ou admiré de nouveaux objets. Avec ce livre révolutionnaire, Neil MacGregor dresse un portrait inattendu de l'évolution humaine. Il démontre le pouvoir qu'ont les choses de nous connecter avec une incomparable immédiateté à des hommes très éloignés dans l'espace et dans le temps, et de permettre à toute l'humanité d'avoir une voix dans notre histoire commune. Une colonne de pierre nous raconte comment un grand empereur indien invitait son peuple à la tolérance, une pièce de huit espagnole nous montre la naissance de la monnaie unique, un service à thé du début de l'ère victorienne nous fait voir le poids d'un empire... Du hachoir des gorges d'Olduvai en Afrique - l'un des objets les plus anciens produits par la main de l'homme - à la lampe à énergie solaire ou la carte de crédit, Une Histoire du Monde en 100 Objets nous fait voir l'histoire comme un kaléidoscope - changeante, interconnectée, constamment surprenante.
Neil MacGregor est considéré comme l'un des plus célèbres historiens de l'art au monde. Il a dirigé la National Gallery à Londres (1987-2002) puis le British Museum jusqu'en 2015. En 2010, il crée, choisissant des objets conservés dans les vastes collections du British Museum, une série radiophonique avec la BBC pour raconter l'aventure de l'humanité à travers les histoires de cent objets fabriqués, utilisés, vénérés ou mis au rebut par l'homme. Cette série radiophonique de la BBC a battu des records de diffusion, de même que ce livre qui en est issu.
Based on the BBC Radio 4 / British Museum series
Le 31 mars 1785, Halil Hamid Pacha est révoqué de ses fonctions de grand vizir. Envoyé en exil, ses biens sont confisqués et ses maisons scellées. Nommé gouverneur, il ne rejoint pas son poste : il est exécuté sur l'île de Ténédos (Bozcaada). Rapportée au palais de Topkapi, sa tête est exposée à la vue de tous, sur un plateau d'argent. Pourquoi le sultan a-t-il mis à mort le pacha de la Porte ottomane ? Halil Hamid avait des enfants. La plupart de leurs descendants vivent en Turquie. Olivier Bouquet a retrouvé leur trace dans un diagramme conservé chez un érudit grec d'Istanbul. Il a rencontré ceux qui administraient la fondation pieuse du prestigieux ancêtre. Ils lui ont confié des documents d'une grande richesse. Dossiers et inventaires sous le bras, l'historien a mené l'enquête à Isparta, ville d'origine du vizir. Il a retrouvé les fontaines, maisons et couvents établis par sa fondation pieuse, à Istanbul, en Anatolie et dans les Balkans. Il a recueilli les empreintes laissées par le dignitaire dans la mémoire du pays, de sa région et de sa lignée.
Voici une biographie d'un genre nouveau. Vie et mort : elles prennent sens l'une par l'autre. Elles s'éclairent par le croisement de trois axes narratifs : le dernier mois de la vie du pacha, entre sa révocation et son exécution ; ses deux années passées dans l'enfer de la Sublime Porte ; ses trois décennies au service du sultan. Jeune scribe, chef de bureau, haut dignitaire, fondateur d'oeuvres pies, Halil Hamid s'élève dans la hiérarchie impériale. Mais provincial d'Anatolie, Stambouliote de vie et de carrière, père de six enfants, chef de maison, familier des soufis et ami des lettrés, il est un homme de son temps et un Ottoman en situation. Ce n'est pas seulement un grand vizir qui trouve ici sa biographie : c'est l'Empire ottoman du XVIIIe siècle. Sur l'architecture des résidences et le détail des biens, sur la diversité des meubles et la préciosité des tissus, sur la splendeur des armes et des bijoux, le lecteur trouvera dans ce livre la richesse de descriptions détaillées, servies par un ensemble de 382 illustrations. Il pourra aussi comprendre les projections néo-ottomanes à l'oeuvre dans la Turquie d'aujourd'hui à la lumière du passé impérial. Un passé d'autant plus fantasmé qu'il est peu connu.
L'Occident partage une vision commune de l'histoire, bien différente de celle qui a cours dans le monde musulman. Dans ce récit, Tamim Ansary raconte, « comme si nous passions un moment ensemble dans un café », l'histoire du monde telle que la conçoit la tradition musulmane. Quand commence-t-elle ? Quels en sont les grands événements, les héros, les centres géographiques ? Si l'on dit du monde actuel qu'il n'est qu'un village, cela n'a pas toujours été le cas. Jusqu'au XVIIe siècle, le monde musulman et l'Occident se sont développés en totale autonomie. Ils ont constitué deux univers séparés, chacun préoccupé par ses affaires internes et dépositaire d'une tradition propre. L'auteur nous invite à pénétrer dans l'univers culturel islamique et à porter un regard venu d'ailleurs sur le monde - Occident inclus -, depuis l'époque du prophète Mahomet jusqu'au début du XXIe siècle.
Ce livre n'est pas une biographie supplémentaire d'Henri IV, promu à la fin du XXe siècle idole monarchique des Français. Tentant de résoudre la plus extraordinaire énigme criminelle du temps des guerres de Religion - l'empoisonnement du prince de Condé à Saint-Jean d'Angély en 1588 -, Robert Muchembled démontre la responsabilité assurée d'un commanditaire dissimulé, père naturel, qui plus est, du fils posthume du prince assassiné : Henri de Navarre, futur roi de France. C'est donc une histoire (incomplète) de la personnalité secrète du Béarnais qui est ici proposée. Si elle diffère de la mythologie traditionnelle appliquée à son souvenir, elle lui rend toute son humanité : ses qualités et ses succès vont de pair avec des traits moins glorieux, indispensables, probablement, pour survivre et triompher durant l'une des périodes les plus tragiques du passé français. Dénué de scrupules moraux ou religieux, confiant (superstitieusement) en son étoile, le Vert-Galant élimine sans pitié ceux ou celles qui le gênent ; maître de la désinformation, grand producteur de fausses nouvelles, il forge lui-même sa propre légende, dispose de l'un des plus efficaces services secrets du temps, cumule les maîtresses comme un sultan oriental, dont l'épouse de son fils secret, et traite durement celui-ci (héritier au trône intermittent, puis rival de Louis XIII après le régicide). Bien qu'il véhicule des images fortes, d'ambitions effrénées, de sang, de poison, de violence, de désirs charnels, dignes de romans historiques ou policiers, le récit, chronologique, appuyé sur les documents d'époque (parfois inconnus, ou souvent mal mis en perspective) présente des faits réels et des personnages qui n'ont rien de fictif. Il invite à découvrir un exercice du pouvoir suprême plus chaotique, baroque et dramatique que celui évoqué par les manuels scolaires.
L'histoire de Cléopâtre VII, reine grecque et pharaon féminin, repose essentiellement, depuis l'Antiquité, sur des sources littéraires qui la présentent sous un jour négatif, comme une « Égyptienne », ce qui la dévalorisait à la fois comme « barbare » et comme femme. Ce discours idéologique qui reproduisait la propagande du vainqueur, Octavien-Auguste, doit être confronté aux documents historiques issus de l'Égypte de Cléopâtre : papyrus, inscriptions, sources archéologiques et iconographiques. La publication de ces sources s'est en effet accélérée depuis le début du XXIe siècle, tant par des découvertes faites dans les collections des musées et des instituts de papyrologie que par les progrès de l'archéologie alexandrine grâce aux fouilles subaquatiques. Une Cléopâtre plus authentique naît de l'étude de ces documents, une reine, qui s'affirmait comme une femme d'État. Elle se définissait comme grecque et égyptienne, une double identité acceptée par ses sujets. Sa volonté fut de redonner à son royaume la puissance qu'il avait au début de l'ère hellénistique, en liant totalement son destin aux atouts que lui donnaient le contrôle de l'Égypte, et en nouant de subtiles alliances avec Rome.
Oubliée pendant de longs millénaires, l'histoire de la Mésopotamie est reconstituée progressivement par les chercheurs depuis le milieu du XIXe siècle. Loin du despotisme oriental et des fastes exotiques, trois civilisations, Sumer, Assur et Babylone, revoient le jour grâce aux efforts conjugués des historiens et des archéologues. Ce livre propose une rencontre avec des hommes d'un autre temps.
Après plus de trois siècles de stabilité, l'Empire ottoman se fissure de toutes parts au cours du XIXe siècle. Ceux que les Européens craignaient et admiraient au temps de leur apogée, deviennent l'objet de toutes les haines. En presque un siècle, cet immense territoire va se réduire au plateau anatolien et se transformer en un État-nation qui donnera naissance à la république de Turquie. Une étonnante métamorphose dans l'histoire.
Frédéric Hitzel est docteur en histoire (Université de Paris IV-Sorbonne) et diplômé de langue turque (INALCO). Ancien pensionnaire de l'Institut Français d'Études Anatoliennes à Istanbul (1990-1995), il est chargé de recherches au CNRS au Centre d'histoire du Domaine Turc à l'École des Hautes Études en Sciences Sociales. Passionné d'art, il a été commissaire de l'exposition « Enfants de langue et drogmans » (Istanbul, Palais de France, 1995), membre du comité scientifique des expositions « Topkapi à Versailles. Trésors de la Cour ottomane » (musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, 1999). Il est l'auteur de : L'Empire ottoman, XVe-XVIIIe siècles, Paris, Les Belles Lettres, 2001. Avec Mireille Jacotin, Iznik, l'aventure d'une collection. Les céramiques ottomanes du musée national de la Renaissance, château d'Écouen, Paris, RMN, 2005. Artisans et commerçants du Grand Turc, Paris, Les Belles Lettres, 2007. De Marseille à Istanbul. L'Orient turc de Ziem et de ses contemporains, Marseille, Images en manoeuvres, 2009 Il a traduit de l'ottoman, présenté et annoté : Osmân Agha de Temechvar, Prisonnier des infidèles. Un soldat ottoman dans l'empire des Habsbourg, Arles, Sindbad/Actes Sud, 1998.
Que se passe-t-il ce 15 décembre 1840 où les « cendres » de Napoléon Ier sont transportées, en grande pompe, de Courbevoie jusqu'à l'hôtel des Invalides ? En dépit d'un froid sibérien, une véritable marée humaine - plus d'un million de personnes, dont Hugo, Balzac, Gautier et tellement d'autres -, vient rendre hommage à la dépouille d'un empereur déchu, mort dix-neuf ans plus tôt sur une île anglaise perdue, hostile, battue par les vents. Quelques mois auparavant, La Belle-Poule appareillait à Toulon, sous le commandement du prince de Joinville, fils du roi Louis-Philippe, et c'était le début d'une incroyable et bouleversante épopée, de la dernière campagne du grand exilé de Sainte-Hélène. Ce sera son ultime victoire...
Giacomo Casanova (1725-1798), immense écrivain et penseur, s'est lentement constitué comme sujet au fil de la rédaction de l'Histoire de ma vie, en doutant toujours de parvenir à vaincre ses deux adversaires majeurs, le hasard et la nécessité. Au fil du besoin et du plaisir, il ne cessa de s'inventer. Ses projets, souvent suivis de pratique, dans l'ordre des mathématiques et de la finance, de l'industrie et de l'agriculture, du journalisme et du théâtre, abondèrent. Mais la voie majeure fut celle de l'entregent, cet art de saisir les rapports et relations des autres, pour s'y insérer avec jubilation et profit : sa carrière d'occultiste autoproclamé, racontée avec beaucoup d'humour, reposait sur cette savante perception, mais il préféra le rôle de metteur en scène où il s'incluait parmi les acteurs et dont il donna de savoureux exemples. Bien entendu, on ne saurait oublier la longue cohorte des aventures érotiques qui font cependant de Casanova l'opposé de la figure d'opéra de Dom Juan. Dans la suite mobile des aventures de Giacomo, un rêve, poursuivi et recommencé, visait la cohérence toujours fuyante du sujet : il eut l'ambition de maîtriser le titillement du hasard et la passivité de la sensation. Avec quelques femmes-philosophes, il cherchait une autre voie, un chemin qui réduirait l'écart entre ses deux langues, (l'une maternelle, l'autre d'élection), entre l'esprit et la chair, entre la fidélité et l'inconstance. La suite amoureuse ne procédait pas alors d'une accumulation par addition, mais dérivait de la soustraction qui aboutissait à la part infinitésimale de l'unicité.
Il n'existe aucune histoire de Venise à l'époque médiévale en langue française. Ce guide, signé par un historien qui a passé plusieurs années dans les Archives de la Sérénissime République et possède une connaissance intime de la ville, de ses monuments et de ses habitants, met à la disposition du public une histoire renouvelée d'une ville au sommet de sa puissance.
L'auteur examine les étapes mouvementées de la construction d'un état aristocratique, de la conjuration de B. Tiepolo (1310) pour renverser l'hégémonie du Sénat au sein du gouvernement, jusqu'aux menées monarchistes avortées de M. Faliero (1355). S'appuyant sur une prospérité commerciale dynamique, Venise tente de conserver son impérialisme maritime en luttant contre la redoutable Gênes ou la puissante famille milanaise des Visconti. Sous l'impulsion des Doges, de Dandolo (XIIe siècle) à Foscari (XIVe siècle), Venise s'appuie sur sa noblesse marchande (la famille Polo bien sûr) pour conforter son rayonnement.
Les hommes qui ont fait cette grandeur occupent la seconde partie de ce guide, avec leurs difficultés (pauvreté, épidémies), leurs croyances (foi et charité), leur culture, la vie familiale, la place de la femme et de l'enfant. Mais Venise est aussi un très grand foyer intellectuel et artistique qui attire encore aujourd'hui des millions de visiteurs venus admirer ses palais, ses places, ses églises, ses musées, l'architecture, les mosaïques, la peinture, la sculpture. L'eau est omniprésente, qu'il a fallu maîtriser, conserver, protéger. L'eau et l'urbanisme sont les deux grands acteurs de cette histoire comme le rappelait déjà le chroniqueur Marino Sanudo Torsello, «Les Vénitiens ont été nourris de l'eau».
Jean-Claude Hocquet est historien, professeur à l'université de Lille III et directeur de recherche au CNRS. Amoureux de Venise, où il se rend tous les ans, il en est un éminent spécialiste. Aux Belles Lettres, il a publié Venise au Moyen Âge (Guide Belles Lettres des civilisations, 2003), Venise. Guide culturel d'une ville d'art de la Renaissance à nos jours (2010) et Venise et le monopole du sel - Tomes I & II. Production, commerce et finance d'une République marchande (2012).
L'heure qu'il est constitue le premier essai d'une histoire générale de la mesure du temps et de son influence décisive sur la formation de la civilisation moderne. Histoire culturelle tout d'abord : pourquoi l'horloge mécanique a-t-elle été inventée en Europe et pas en Chine ? Histoire des sciences et des techniques ensuite : comment est-on passé des garde-temps primitifs aux chronomètres de haute précision ? Puis histoire économique et sociale : qui a fait ces instruments ? Comment ? Qui s'en est servi et pourquoi ? Vaste enquête qui mobilise les domaines les plus variés : religion et folklore, mathématiques et mécanique, astronomie et navigation, agriculture et industrie. Vaste odyssée, qui entraîne le lecteur des cours du Grand Khan à celles du Saint Empire germanique, des observatoires prétélescopiques de la Renaissance aux sociétés savantes de l'Ancien Régime. Vaste aventure, qui passe des routes interminables et mortelles des galions de Manille aux combats chronométriques aussi farouches que silencieux des observatoires de Kew, de Genève ou de Neuchâtel. Quel chemin, de l'atelier encombré de l'artisan du Jura suisse aux usines aux mille fenêtres du Massachussetts ou de l'Illinois et aux sweatshops horlogers de l'Asie du Sud-Est ! On comprend l'ivresse intellectuelle de l'auteur, David Landes : « Tomber sur un aspect majeur du développement de la société, de l'économie et de la civilisation modernes et constater que, pour l'essentiel, la carte du pays n'a pas été faite, c'est un coup de veine assez rare... »
Pendant une douzaine d'années, Jean-Pierre Otte s'est attaché à rassembler les mythes premiers du cercle Arctique, des deux Amériques, de l'Afrique noire, de l'Océanie et de l'Australie de l'« Ère du rêve ». Ces mythes de création qui, dans le recours à l'imaginaire, demandent à la vie le secret de ses origines, étaient peu connus, dispersés ou fragmentaires, souvent jamais traduits de la langue dans laquelle les grands voyageurs et les premiers ethnographes les rapportèrent. Dans un second temps - et cette démarche fera date -, Jean-Pierre Otte s'est efforcé d'amener ces grands récits de la tradition orale à l'existence écrite. Son travail dans la rigueur n'en est pas moins une transposition poétique, aussi vivante et passionnée que possible. Il s'agissait d'amplifier le sens, d'exalter les couleurs, d'accentuer les contrastes, et de mettre en évidence, sans le dénaturer, le contenu philosophique, métaphysique, religieux, amoureux ou moral des mythes du commencement. Rendus magnifiquement, ces matins du monde ont été choisis pour être représentatifs des grands courants cosmogoniques, lesquels ne sont peut-être, malgré leurs différences, ou plutôt grâce à elles, que la diversité fabuleuse et fertile d'une unité foncière inscrite au plus profond de la mémoire du monde et de la nôtre.
Jean-Pierre Otte est l'auteur d'une quarantaine d'ouvrages ayant trait aux mythologies de l'origine, aux rituels amoureux du monde animal (L'amour au jardin, La sexualité d'un plateau de fruits de mer) et aux événements de la vie personnelle au bénéfice du plaisir d'exister (Petite tribu de femmes, Un camp retranché en France, Un cercle de lecteurs autour d'une poêlée de châtaignes).
Qui étaient les Ottomans ? Quelle identité commune peut rassembler les hommes qui vécurent dans cet immense empire multiconfessionnel, multiethnique et multiculturel d'une remarquable longévité ? Les historiens s'interrogent sur la nature d'un homo ottomanicus dont on sent bien qu'il dut exister, mais qu'on ne réussit jamais à définir parfaitement. Le présent livre fait le point sur ces réflexions, mais il ne prétend pas apporter une nouvelle réponse à la question. Ses contributeurs se sont efforcés d'envisager celle-ci autrement, en donnant la parole aux intéressés : aux Ottomans eux-mêmes. Le lecteur trouvera donc dans ce volume la traduction française de 57 textes de toutes natures, rédigés en diverses langues, de l'arabe au turc en passant par l'arménien, le grec ou l'hébreu, mais émanant tous de la société ottomane : de l'administration, des serviteurs ou des sujets du sultan, vivant dans la capitale ou en province, musulmans ou non. De ces textes, pour la plupart jamais traduits en français et pour certains inédits, précédés chacun d'une courte introduction permettant à des lecteurs ignorant tout du sujet d'en comprendre la nature, le contexte et la signification, se dégage une vision de l'intérieur de l'Empire ottoman, de son fonctionnement et de sa société tels que pouvaient les percevoir les Ottomans. Sous une forme toujours originale et vivante, parfois amusante (car les Ottomans pratiquaient l'humour à l'occasion), c'est une autre façon de s'initier au monde ottoman qui est proposée.
Pour comprendre Napoléon, pour comprendre la fascination qu'il exerce sur nous deux cents ans après sa mort, il faut passer par Rome. Stendhal nous l'apprend dès les premières lignes de La Chartreuse de Parme : « après tant de siècles, César et Alexandre avaient un successeur. » Quoi ? Nous préférons regarder l'Antiquité comme un aimable decorum, offrir l'image d'Épinal d'un Napoléon costumé en Romain, alors qu'elle pourrait bien être son ADN. De la soif de conquête à l'apothéose finale, Napoléon Bonaparte a sculpté sa légende dorée ou noire dans le marbre antique faisant de son gouvernement un précis d'histoire romaine, des fondations de la République jusqu'aux règnes de Constantin et de Justinien, favorisant la paix religieuse, promouvant le Code civil... ou organisant un véritable culte de sa personne, fidèle aux empereurs sanguinaires dépeints par Suétone. Car de la Rome antique, Napoléon retient avant tout la leçon d'immortalité. Le premier empereur des Français serait-il le dernier Romain ? La réponse dans cet essai novateur qui recèle bien des surprises.
Jacques de Molay fascine. Parmi les vingt-trois grands-maîtres qui se sont succédé à la tête de l'ordre du Temple entre 1120 et 1312, il est sans doute le seul dont le public conserve la mémoire. Les Rois maudits de Maurice Druon l'ont immortalisé et de récents supports, du Da Vinci Code à Assassin's Creed, ont répandu son nom dans le monde entier. Pourtant, s'il est ancré dans le mythe, Jacques de Molay n'a guère captivé les historiens. Il est un « inconnu célèbre », d'ordinaire déprécié, sur lequel bien des incertitudes persistent jusque pour ses dates essentielles - sa naissance, son élection ou même sa mort. Les traces de son action, toutefois, sont loin d'être indigentes. Ce sont ces sources, étudiées de façon systématique et confrontées aux différentes mémoires existantes, qui offrent de jeter un nouvel éclairage sur le grand-maître : débarrassé des stéréotypes, Jacques de Molay peut enfin sortir de l'ombre. Trois parties structurent le livre. La première traite des images du dignitaire, révélant comment, à partir du début du XIXe siècle, un archétype du héros tragique s'est mis en place. La seconde, par-delà le personnage, s'attache à l'homme et elle analyse son parcours pour établir la manière dont il s'est élevé jusqu'au sommet du Temple au sort duquel, de la Terre sainte aux geôles de Philippe le Bel, il s'est identifié. Les engagements de Jacques de Molay, enfin, sont au coeur de la troisième partie. Le soutien à l'Orient latin et la défense de son ordre, qu'il s'est efforcé d'adapter au mieux à une conjoncture lourde de périls, ont été les priorités d'un homme ferme et entreprenant, bien loin de l'incapable que trop d'auteurs décrivent. Ainsi, jusque dans la tourmente du procès du Temple, il a cherché à parer au risque, à sauvegarder son institution et, une fois résolue puis arrêtée la perte de celle-ci, à en préserver la mémoire face aux juges et à la mort : il le fit, le 11 mars 1314, en rétractant des aveux arrachés six ans et demi plus tôt par la torture, prêt à affronter le bûcher et à réaliser ce sacrifice ultime de sa vie dont la postérité l'a vengé en y trouvant, au fil des siècles, l'assurance croissante du martyre.
Pourquoi l'odorat, ce sens primordial d'adaptation au danger comme de repérage du meilleur partenaire sexuel, demeure-t-il si méconnu ? Son histoire paradoxale, pour peu qu'on s'y attache, est des plus captivantes. Dans cette synthèse sans équivalent, Robert Muchembled mène l'enquête et présente les extraordinaires mutations de l'odorat en Occident, de la Renaissance au début du XIXe siècle. Les sources utilisées sont multiples et riches : manuels de physiognomonie ; oeuvres de médecins, philosophes, poètes, conteurs, théologiens, polémistes, moralistes ; traités de civilité, traités de « Secrets pour dames » ; édits royaux ; règlements du métier de gantier parfumeur, inventaires après-décès (apothicaires, gantiers parfumeurs) ; iconographie du sens olfactif... Muchembled s'empare de cet extraordinaire ensemble et dresse l'histoire du puissant refoulement qui, depuis un demi-millénaire, nous a fait considérer l'odorat comme le plus méprisable des sens avant que de le hisser récemment au rang du plus affûté. Des miasmes exhalés par les concentrations humaines aux émanations intimes nauséabondes, des senteurs « excrémentielles » (musc, civette et ambre) prétendument protectrices de la peste aux condamnations des moralistes, de la révolution olfactive du XVIIIe siècle, qui transforme la goutte de parfum floral ou fruité en vecteur d'hédonisme jusqu'aux dernières découvertes scientifiques, c'est à un extraordinaire voyage olfactif dans la civilisation des moeurs que Muchembled convie son lecteur.
Les purges et la terreur installées par Staline dans l'Union soviétique des années 1930 ont découragé, chez la majorité des officiers gouvernementaux, toute velléité de témoignages écrits. Le journal tenu avec une remarquable assiduité par Ivan Maïski entre 1932 et 1943 fait figure d'exception. Exhumé à Moscou par Gabriel Gorodetsky, ce document exceptionnel consigne les conversations diplomatiques et mondaines sur les tensions de l'entre-deux-guerres en Angleterre et en Europe, l'apaisement de l'ère de Munich, les négociations menant à la signature du pacte entre Ribbentrop et Molotov, l'ascension de Churchill au pouvoir, l'invasion de la Russie par l'Allemagne et l'orageux débat à propos de l'ouverture d'un second front. La densité historique de ces événements mise à part, c'est la personnalité envoûtante de l'Ambassadeur autant que l'importance de sa mission diplomatique qui fascinent. Dans son proche entourage, on croise de célèbres politiciens (dont Churchill, Chamberlain, Eden et Halifax ou encore Laval et de Gaulle), des barons de la presse (Beaverbrook), des ambassadeurs (Joseph Kennedy), des intellectuels (Keynes, Sidney et Beatrice Webb), des écrivains (George Bernard Shaw, H. G. Wells), sans oublier les membres de la royauté. Une période charnière, l'intrication de pratiques d'influence, de rivalités et d'étonnantes alliances, encore largement méconnues du public. Enrichie de plus de 120 photographies inédites, l'édition française a été spécialement revue par Gabriel Gorodetsky.
525 av. J.C.: Athènes domine un territoire d'à peine quelques milliers de km2.
480 av. J.C.: une flotte de 300 trières, maîtresse de la mer Egée et venant de la plus grande base navale de la Méditerranée bat les 600 navires de l'envahisseur perse à Salamine. C'est la fin de la deuxième guerre médique. Athènes domine le monde grec.
En 525, Thémistocle naît à Athènes. En 460, il meurt en exil. Qui a doté Athènes de cette flotte invincible? Thémistocle. Qui a vaincu le Grand Roi de Perse à Salamine? Thémistocle. Qui a créé le port du Pirée? Thémistocle.
Celui qui éleva sa patrie au premier rang sera pourchassé comme un traître et finira ses jours chez l'ennemi.
Plutarque, Diodore, Hérodote nous racontent.
En 269 avant Jésus-Christ, les Romains ne craignent pas de s'embarquer sur des bateaux, qu'ils ne savent ni commander, ni manoeuvrer, pour attaquer la puissance maritime des Carthaginois. Devenus les maîtres de la Méditerranée, ils la débarrassèrent des pirates et y fondent même leur Empire, quand Octave met en fuite les navires d'Antoine et de Cléopâtre.
Ils savent installer des chantiers navals, rénover les ports, entretenir une flotte militaire, favoriser l'essor de la pêche et des compagnies de navigation, développer jusqu'en Inde, en Chine et en Atlantique leurs grandes lignes maritimes.
Pourtant terriens dans l'âme, ils cuisinent avec raffinement les poissons de mer, consommèrent les huîtres avec passion, raffolent des perles et de la pourpre nées des coquillages ils découvrent les plaisirs de la plaisance, les charmes de la plage et les bienfaits d'une certaine thalassothérapie.
Les plus riches se font construire de magnifiques résidences en bord de mer, les plus savants réfléchissent aux questions que soulèvent les marées de l'Atlantique les poètes, les philosophes et les orateurs reprennent les thèmes du pirate, du pilote, de la tempête ou du voyage en mer.
Cicéron a dix sept ans quand débute la lutte armée entre Marius et Sylla. Pendant plus d'un demi- siècle, la guerre civile va ensanglanter Rome, jusqu'à ce qu'Auguste inaugure un nouveau régime. Dans cette terrible période de convulsions et de déchirures, un homme va désespérément tenter de sauver la République. Une république conservatrice, dominée par les classes privilégiées, mais préférable à ses yeux aux aventures de la dictature militaire ou aux illusions d'un despotisme aux accents populistes. Présent sur tous les fronts, foudroyant une conjuration aux effets mortels, mais acceptant de lourds compromis au nom du moindre mal, Cicéron oscilla entre les intransigeances et les louvoiements, entre les fidélités et les volte-face. Jusqu'à l'ultime combat qu'il affronta avec énergie et avec panache.
Mais ce lutteur avait bien d'autres passions. Orateur d'exception, philosophe érudit, poète de talent d'après Plutarque, il laissa une oeuvre abondante, qui nous est, pour l'essentiel, parvenue, et qui nous permet de suivre le cours de ses pensées et de ses émotions. Avec son appétit de culture, son idéal de tolérance, son culte de l'amitié, son attention aux autres, Cicéron ne fut pas seulement le dernier Républicain de Rome. Il en fut aussi le premier humaniste.
Plutarque, Tacite, Appien, Salluste, Dion Cassius et Cicéron nous racontent.