Les savoirs des sciences humaines et sociales
Philosophie, sociologie, anthropologie, études littéraires, linguistique, histoire, géographie, psychologie, musicologie, esthétique, histoire de l'art, économie, sciences politiques, droit, archéologie... : les disciplines couvertes par les sciences humaines et sociales sont vastes et variées. À toutes incombent d'analyser, comprendre, décrire le monde et la façon dont les hommes, les femmes et plus largement le vivant l'ont habité, l'habitent et l'habiteront. Toutes partagent une réflexion sur un sujet rendu majeur par la crise environnementale, les bouleversements numériques, les inégalités sociales et les conflits : comment faire " monde commun ", pour reprendre la formule de Hannah Arendt ?
L'ouvrage propose une centaine de contributions portant sur des questions contemporaines, qui font écho aux objectifs de développement durable identifiés par l'Organisation des Nations unies (la réduction de la pauvreté, des inégalités éducatives, la protection de la planète, etc.) et explorent la manière dont la recherche actuelle en sciences humaines et sociales y répond. Méthodes, hypothèses et théorisations, mesures et approches ethnographiques, analyses et exégèses constituent autant d'outils permettant aux lecteurs de penser, d'habiter, de réparer ou de transformer nos univers communs.
Un ouvrage richement illustré qui incarne une communauté de recherche dans toute sa diversité.
Les séries télévisées, comme toute " culture populaire ", transforment la définition de l'art : d'objet de distinction, il se fait œuvre d'éducation morale et politique. En mettant en avant des questions politiques, et en y apportant des réponses radicales, elles éveillent les sensibilités sur des enjeux contemporains majeurs.
Menace terroriste et espionnage (Homeland, The Americans, Le Bureau des légendes), ambition personnelle des dirigeants (Game of Thrones, Baron Noir), éthique du capitalisme néolibéral (The Good Place), féminisme et intersectionnalité (Orange is the New Black, I May Destroy You, Killing Eve), conflit israélo-palestinien (Fauda, Our Boys), racisme et antisémitisme (Lupin, Watchmen, The Plot Against America), impact de la fiction sur la réalité géopolitique (Serviteur du peuple), fatalité des inégalités sociales (The Wire, Engrenages), menace apocalyptique (The Walking Dead), dérives des nouvelles technologies (Black Mirror), violence du système carcéral (Orange is the New Black) : sur tous ces éléments, les séries fournissent des référents culturels communs forts, qui peuplent conversations ordinaires et débats politiques. Leur impact sur les régimes démocratiques, conçus comme espaces de délibération, de contestation et de transformation sociale, est majeur.
Un décryptage d'une vingtaine de séries pour en souligner la puissance éthique et politique.
Comment expliquer les paradoxes – vus d'Europe, du moins – d'un pays où coexistent une civilité cordiale et l'application de la peine de mort, l'excellence scientifique et la pratique religieuse instituée (In God We Trust), un pays où l'usage de la cigarette est plus souvent interdit que la détention d'armes à feu et où des inégalités croissantes contredisent une égalité pourtant revendiquée comme un trait distinctif ? Comment comprendre, encore, que cet État relativement faible au sein de ses propres frontières se soit néanmoins imposé comme la seule superpuissance au niveau mondial ?
Mobilisant et prolongeant la théorie des processus de civilisation de Norbert Elias, Stephen Mennell retrace les dynamiques constitutives du développement des États-Unis depuis la colonisation de l'Amérique, et décrypte leurs mythes fondateurs, de la " destinée manifeste " au " rêve américain ".
Un grand livre d'histoire et de sociologie.
Traduit de l'anglais par Claire Le Strat
Parfois déconsidérée, au cours du XXe siècle, parce que pensée comme la simple écume de processus historiques et sociaux plus profonds, la notion d'événement semble avoir, depuis, bénéficié d'un évident retour en grâce au sein des sciences humaines et sociales – en histoire et en philosophie au premier chef, mais aussi en sociologie, en anthropologie, en linguistique ou en psychanalyse. La référence à l'événement, très utilisée aujourd'hui, donne cependant lieu à des investissements multiples, suppose différentes manières d'articuler le temps et l'histoire,
met en jeu des conceptions non équivalentes de la subjectivité, et sous-tend des compréhensions de la rationalité très diverses.
Mobilisant tour à tour les analyses de Fernand Braudel et de Reinhart Koselleck, de Jacques Rancière et de Michel Foucault, d'Henri Bergson et de Gilles Deleuze, de Walter Benjamin et d'Hannah Arendt, de Sigmund Freud et de Claude Lévi-Strauss, les essais qui composent ce volume explorent la cartographie complexe et variée des questionnements que la notion contribue à faire émerger et à nourrir.
Le sociologue Mita Munesuke (1937-2022) occupe une place centrale dans le paysage intellectuel japonais. Familier des auteurs français, esprit original et rigoureux, il a exercé une influence déterminante sur les sciences sociales de l'archipel par ses écrits et son enseignement. Son œuvre, en partie traduite en anglais, reste méconnue en France.
Ce livre est la traduction d'un classique de la sociologie japonaise réunissant deux de ses textes : " L'enfer du regard " et " Les chants de la nouvelle nostalgie ".
" L'enfer du regard " revient sur une affaire de meurtres en série commis par Nagayama Norio, en 1968, une affaire qui a fait frémir d'effroi le Japon tout entier. Les victimes sont abattues par un " tireur fou au pistolet ". Le coupable, 19 ans, est un mineur " isolé " qui n'a d'autre mobile que la haine et la colère qu'il porte en lui depuis l'enfance. Rédigé dans un style singulier, ce texte parvient, à partir d'une affaire particulière, à mettre en relief le fonctionnement global de toute société moderne, à dégager la part du social dans ce qui semble relever à première vue de troubles psychologiques strictement individuels.
Dans " Les chants de la nouvelle nostalgie ", Mita établit une véritable " méthode " pour comprendre la société de masse du Japon contemporain. S'appuyant aussi bien sur la " signification existentielle des faits statistiques " que sur les chansons populaires, il éclaire le déracinement rural, la transformation du pays natal, le démantèlement de l'ordre villageois pré-moderne et du système de la famille élargie.
Ces deux textes, traduits du japonais par Yatabe Kazuhiko (Université Paris Cité) et Claire-Akiko Brisset (Université de Genève), sont prolongés par une réflexion du sociologue Ôsawa Masachi.
Les stars du football comptent aujourd'hui parmi les salariés les mieux payés au monde et les personnalités médiatiques les plus en vue. Source de tant de discussions et de commentaires, cette situation n'est pourtant jamais interrogée dans ses fondements mêmes : pourquoi exceller balle au pied peut-il mener – à condition d'être un homme – à la richesse et à la gloire ? Qu'est-ce qui explique que des " exécutants ", issus pour majorité des classes populaires, se voient attribuer une telle valeur économique et symbolique ?
La réponse suppose de multiplier les angles de vue et les sources, de la fin du XIXe siècle à nos jours. Cette vaste enquête revient ainsi sur la naissance du football pour décrire comment ce nouvel espace de consécration s'est institué. Elle décrypte ensuite les dynamiques de valorisation, impulsées par les présidents de clubs, les médias et les spectateurs, qui ont concouru à sa popularité croissante. Elle explore les conditions d'émergence d'une configuration salariale favorable aux joueurs et explique, enfin, pourquoi une petite minorité d'entre eux capte une grande partie des flux d'attention et d'argent qui circulent dans ce sport collectif.
En apparence triviale, la question de l'importance conférée aux joueurs conduit à porter un tout autre regard sur le football. Plus largement, elle nourrit une réflexion novatrice sur la production de la valeur et la fabrique contemporaine des " grands hommes ".
Dans la société française contemporaine, la ménopause apparaît comme une étape-clé du vieillissement des femmes, souvent vécue avec angoisse, et prise en charge par la médecine. L'on pourrait penser que c'est une façon universelle de considérer un événement qui, après tout,
l'est aussi. Il n'en est rien.
Dans la société française contemporaine, la ménopause apparaît comme une étape-clé du vieillissement des femmes, souvent vécue avec angoisse, et prise en charge par la médecine. L'on pourrait penser que c'est une façon universelle de considérer un événement qui, après tout,
l'est aussi. Il n'en est rien. Selon les sociétés, la cessation des menstruations peut être un accroissement des possibles et des pouvoirs, l'avènement d'une sexualité enfin libérée de la fertilité, ou même un non-événement, ne faisant pas l'objet d'une attention particulière, au point qu'il n'existe pas de mot pour le désigner.
Ce livre offre un point de vue original, celui des sciences sociales, d'autant plus précieux que les représentations de la ménopause se nourrissent presque exclusivement des discours médicaux, qui la considèrent comme une carence, associée à un ensemble de troubles et de risques. Le phénomène naturel devient alors une " maladie " qu'il faut traiter. Face à ce discours " savant " alarmiste, les expériences des femmes apparaissent plurielles et les liens sociaux se révèlent aussi importants que le vécu corporel. Une belle enquête sur un sujet tabou.
Longtemps perçus comme relevant de l'enfance ou du simple divertissement, les jeux ont récemment envahi
les espaces professionnels, dans l'industrie comme dans les services. Mais que penser des jeux de rôle désormais utilisés par les services de ressources humaines dans leur recrutement ? De ces salariés se pourchassant dans les couloirs pour se tirer dessus avec des projectiles en plastique, ou des compétitions ludiques qui s'insèrent dans l'activité productive elle-même ? En favorisant ce type de pratiques, l'employeur cherche-t-il simplement à instaurer une ambiance décontractée favorable au travail ?
Revenant sur l'émergence et le développement de ce qu'il appelle le " management distractif ", cet art de gouverner par le divertissement et la diversion, Stéphane Le Lay interroge les ressorts et les effets de ces dispositifs en apparence ludiques. Prenant le contrepied des analyses complaisantes du " fun at work ", il met en lumière, à partir de différents sites d'enquête, la façon dont les jeux managériaux instaurent en réalité une rivalité permanente au détriment de la coopération, et consacrent la concurrence entre individus au sein même des organisations.
Près de 600 notices, une équipe de 126 auteurs venus de vingt pays et réunissant les meilleurs spécialistes de Pierre Bourdieu, sociologues, politistes, philosophes, historiens, anthropologues, littéraires... Par sa dimension collective, internationale et interdisciplinaire, ce Dictionnaire renouvelle en profondeur l'état des savoirs sur l'auteur de sciences sociales aujourd'hui le plus cité au monde.
Les entrées portent aussi bien sur les concepts, objets de recherche, méthodes, disciplines et courants intellectuels avec lesquels Bourdieu a dialogué, que sur ses auteurs de prédilection et ses rapports avec ses contemporains, ses ouvrages, les revues, éditions, associations qu'il a fondées, les événements marquants comme la guerre d'Algérie, Mai 68, les grèves de 1995, ainsi que les principaux pays de réception de son travail (de l'Europe à la Chine et au Japon en passant par l'Amérique latine, les États-Unis et le monde arabe). S'y trouvent également abordés, entre autres aspects biographiques, la passion de Bourdieu pour le rugby ou son aspiration de jeunesse à devenir chef d'orchestre, ses relations avec ses professeurs (Raymond Aron, Georges Canguilhem, Jules Vuillemin), les groupes qu'il a créés, sans oublier ses engagements politiques, qu'il concevait sous la forme d'un " intellectuel collectif ". Forme que ce dictionnaire incarne aussi à sa façon...
Comité éditorial :
François Denord, Julien Duval, Mathieu Hauchecorne, Johan Heilbron, Franck Poupeau
Coordination éditoriale :
Hélène Seiler
Collection à l'œil nu
De 15 à 95 ans, cette collection a pour but de transmettre les savoirs de manière simple et vivante. La recette : une directrice de collection enthousiaste, archéologue et auteur chez Gallimard, Anne Rose de Fontainieu ; un graphiste créatif qui a l'œil et le bon, Cyril Cohen ; des chercheurs généreux qui font connaître leurs travaux au plus grand nombre ; une dessinatrice inventive qui met en scène toute cette histoire.
L'intime est au cœur de l'histoire du sujet en Occident. Fruit de conquêtes individuelles ou collectives, il devient depuis la Révolution française un enjeu politique majeur, considéré comme une menace par le pouvoir en place ou la société dominante. Ceux-ci entendent limiter et modeler cet espace privé selon des normes conformes à leurs valeurs, bien conscients des risques de développement de ces " jardins secrets ".
Au cours des années 1970, l'intime, symbole de l'émancipation et de l'autonomisation des individus, devient un nouvel espace de lutte pour défaire l'étau qui a longtemps enserré nos corps. Revendiquer une intimité, c'est affirmer un moi et s'affranchir des tutelles et des mécanismes d'assignation. De la chambre conjugale aux cheveux, du rêve au tatouage, du journal personnel au clitoris, l'intimité n'a cessé de se reconfigurer en fonction de l'évolution des modes de vie. Mais l'émergence récente de technologies inédites bouleverse aujourd'hui le rapport au privé et à l'exposition de soi. L'ère du smartphone n'a-t-elle pas sonné le glas de l'intime ?
Dans cet ouvrage posthume, Alain Testart s'attache à poser les bases d'une sociologie générale permettant de classer les sociétés les plus diverses et de penser leur évolution au-delà des champs disciplinaires établis (ethnologie, histoire, sociologie).
C'est par la relecture de Tocqueville, Marx et Durkheim, qui n'avaient pas hésité à chercher la cohérence interne des sociétés et à en dégager en quelque sorte des types sociaux, qu'il commence par préciser sa méthodologie. Celle-ci consiste à définir l'" architectonique d'une société ", c'est-à-dire les " rapports sociaux fondamentaux " conditionnant les autres rapports et permettant d'expliquer les domaines du politique, de l'économie et du religieux.
Pour montrer que ces " rapports sociaux fondamentaux " relèvent d'une forme de dépendance ou au contraire d'indépendance, l'auteur étudie trois types de société : les Aborigènes d'Australie, la société féodale et la société moderne. Il élargit ensuite son examen tant aux civilisations classiques qu'aux sociétés sans État, et souligne par exemple combien la liberté des " modernes " n'est pas celle des Grecs, ni celle des Amérindiens.
Alain Testart conclut cette fresque monumentale par une " systématique " des formes de dépendance et des types de société, et propose deux lois sociologiques.
Texte établi par Valérie Lécrivain et Marc Joly
D'où vient l'expression " devoir de mémoire " ? Comment s'est-elle imposée dans notre langage courant ? À partir de nombreux entretiens, d'archives inédites et de sources numériques massives, Sébastien Ledoux retrace la trajectoire de cette formule qui éclaire la relation souvent douloureuse que la France entretient avec son histoire récente. Forgé à l'orée des années 1970, le terme investit le débat public dans les années 1990, accompagnant le " syndrome de Vichy " et la réévaluation du rôle de la France dans la mise en œuvre de la Solution finale, avant d'être repris pour évoquer les non-dits de la mémoire coloniale. Doté d'une forte charge émotive, il traverse les débats sur la recomposition du récit national, la place du témoin, le rôle de l'historien, la patrimonialisation du passé ou la reconnaissance des victimes, qui traduisent un tournant majeur et accouchent de nouvelles questions dont l'actualité est toujours brûlante. Ce sont les mutations de la société française des cinquante dernières années qui sont ici analysées par le biais de ses nouveaux rapports au passé que le " devoir de mémoire " est venu cristalliser
Pour une science du social
Pourquoi n'avons-nous pas laissé Notre-Dame en ruines après l'incendie de 2019 ? Comment fixe-t-on le prix du sol ? En quoi les enfants ne sont-ils pas des adultes ? Les réponses à toutes ces questions sont toujours le résultat de processus et de changements sociaux que l'on peut décrire et expliciter. Mais cela ne peut se faire qu'au prix de l'émergence d'une science du social unifiée.
Cette science du social, non fragmentée en " sciences humaines et sociales " et qui pense ensemble divers angles d'approche au lieu de les empiler, est en effet devenue incontournable pour décrire et connaître les mondes humains. Pour que cette science du social soit prise au sérieux, elle doit commencer par affirmer la nécessité de son objet, le social (et pas seulement les sociétés) ; elle doit afficher la même ambition épistémologique que toutes les autres sciences, sur le plan théorique comme sur celui de l'observation et de la collecte des données ; elle ne doit pas céder à la tentation de la spécialisation sur laquelle prospèrent les disciplines (économie, sociologie, géographie, histoire, etc.) ; elle doit montrer son efficacité à la fois explicative et prospective.
Promouvoir, y compris face au pouvoir politique, une science du social non entravée, non démembrée, non programmée, et dont la capacité de découverte reste intacte, afin d'éclairer autant que possible les citoyens sur des enjeux publics : tel est l'objet du présent manifeste.
Cela est contre-intuitif, mais souvent nous ne pensons et n'agissons pas de façon rationnelle. Par exemple, après les attaques du World Trade Center, beaucoup d'entre nous ont eu peur de prendre l'avion et ont privilégié les déplacements en voiture lorsqu'ils étaient possibles. Pourtant la probabilité de mourir en avion est très inférieure à celle de mourir en voiture.
Cela est contre-intuitif, mais souvent nous ne pensons et n'agissons pas de façon rationnelle. Par exemple, après les attaques du World Trade Center, beaucoup d'entre nous ont eu peur de prendre l'avion et ont privilégié les déplacements en voiture lorsqu'ils étaient possibles. Pourtant la probabilité de mourir en avion est très inférieure à celle de mourir en voiture.
Pourquoi avons-nous tendance à accorder plus de poids aux informations qui confirment nos croyances qu'à celles qui les infirment ?
Pourquoi les narrations construites par notre cerveau peuvent être parfaitement cohérentes et néanmoins totalement erronées ? Bref, pourquoi sommes-nous biaisés ? Comprendre et savoir remédier aux biais cognitifs est fondamental car leurs conséquences tant au niveau individuel qu'au niveau collectif sont loin d'être anodines.
Maniement des probabilités, compréhension du hasard, prise de décision : dans chacun de ces domaines, l'influence des biais cognitifs est majeure. En s'appuyant sur de nombreux exemples de notre quotidien et dans un style très vivant, Vincent Berthet met en lumière notre rationalité limitée. Et montre comment certains acteurs en tirent parfois profit.
Une plongée au coeur de notre irrationalité.
Y a-t-il une " juste taille " des villes et une " bonne échelle " des territoires de notre existence ? Les métropoles actuelles, lancées dans une extension sans limites, encombrées de gratte-ciel et de centres commerciaux, sont-elles la solution ? Faudra-t-il privilégier des villes plus petites ?
Depuis Platon, avec sa cité idéale de 5040 foyers, jusqu'à Ivan Illich, nombre de philosophes et d'intellectuels se sont penchés sur ces questions de la taille des villes, de leur mesure. Au-delà des statistiques, c'est bien une question existentielle et politique qui se pose à chacun d'entre nous.
Dans cet essai foisonnant, Thierry Paquot entrelace démographie, histoire, urbanisme, écologie et nous guide dans le labyrinthe des idées et des expérimentations : naissance et croissance des cités, utopies phalanstériennes de Fourier, garden-city d'Ebenezer Howard, shrinking cities américaines... Il nous initie aussi à la pensée de théoriciens souvent méconnus en France (Kohr, Schumacher, Bookchin, Bairoch, Magnaghi, Sale...), parmi lesquels les partisans du small is beautiful ou des biorégions.
Périple intellectuel et bibliographique, cet ouvrage propose des pistes concrètes pour définir une urbanité nouvelle, libre, respectueuse des humains et du monde vivant, des temps et des territoires.
Crêtes multicolores, vestes à clous, pantalons issus de surplus militaires, bouteilles de bières entassées, No Future, voix et musique saturées rythmant le pogo d'une foule bariolée : le mot " punk " charrie à lui seul son lot d'images toutes faites. Par-delà les clichés, comment ce style musical venu de New-York et de Londres s'est-il implanté en France ? Si le mouvement punk connaît son âge d'or dans les années 1980, avant d'être supplanté sur la scène médiatique par d'autres musiques contestataires, il n'en demeure pas moins prégnant dans certains espaces sociaux et géographiques. Mais qui devient punk ? Où ? Comment ? De quelle vision du monde cette musique est-elle le vecteur ? En quoi est-elle aussi un mode de vie, placé sous le signe du Do It Yourself, qui offre un point de vue décalé sur la société française et ses évolutions ?
Pour comprendre les multiples facettes du punk et retracer son histoire, cette enquête au long cours mobilise tous les outils de la sociologie : observation participante, analyses statistiques, entretiens et suivi dans la durée de nombreuses trajectoires individuelles d'amateurs comme de musiciens. Ouvrant les portes d'un monde à part, elle parvient de la sorte à reconstituer les logiques sociales expliquant la genèse, l'organisation et la persistance d'une musique qui est aussi un style de vie.
Villes voraces et villes frugales
Agriculture urbaine et autonomie alimentaire
Manger mieux, autrement, local, bio, équitable..., la question revient sans cesse, dans tous les médias et dans toutes les bouches de citadins inquiets.
Nourrir les villes est pourtant une histoire qui plonge aux sources de l'agriculture. Car, avant de nourrir la planète entière, les fils de Caïn ont toujours satisfait l'appétit des urbains, fins gourmets ou insatiables gloutons.
Les spécialistes ici réunis autour de Gilles Fumey et de Thierry Paquot reviennent sur cette longue histoire de l'alimentation des villes, sur les rapports intimes du mangeur citadin et de l'agriculture. Ils nous invitent à explorer des voies possibles vers l'autonomie à travers des exemples concrets à Paris –; qui vient d'ouvrir la plus grande ferme urbaine d'Europe sur les toits de son Parc des expositions –;, aux États-Unis, à Letchworth ou en Argentine.
Après le temps des flux tendus et autres délices de la logistique glocale, un autre modèle de cité adviendra-t-il, plus résilient et plus frugal ?
Avec les contributions de
Marc Dufumier ; Daniel Cérézuelle ; Stéphanie Lemoine ; Yves Cabannes et Philip Ross ;
Sabrina Arcamone et Mónica Bifarello ; Adrien Baysse-Lainé ; Stéphane Linou ;
Yuna Chiffoleau ; Michaël Brucker.
Comment penser nos émotions dans la vie professionnelle ?
Question délicate entre toutes tant le champ du travail se veut ordonné, rationnel, balisé. Et pourtant, le travail sollicite de manière vive la subjectivité, le corps et les affects. Chacun y cherche du plaisir, des échos sensibles à ce qu'il est, à ce en quoi il croit.
Comment penser nos émotions dans la vie professionnelle ?
Question délicate entre toutes tant le champ du travail se veut ordonné, rationnel, balisé. Et pourtant, le travail sollicite de manière vive la subjectivité, le corps et les affects. Chacun y cherche du plaisir, des échos sensibles à ce qu'il est, à ce en quoi il croit.
Parallèlement, les dimensions de contrainte et d'exploitation y sont omniprésentes et de plus en plus intrusives, allant chercher du côté de l'intime dans le but de mobiliser, d'obtenir toujours plus de chacun. Instrumentalisation et déni des émotions, paradoxalement, cohabitent, générant une souffrance au travail qui semble croître dans tous les secteurs. L'idéal de maîtrise insinue qu'une bonne " gestion " des émotions serait la solution, et le management et la communication organisationnelle y contribuent d'ailleurs en mettant l'accent sur les émotions " positives ".
Mais, tout en étant socialement construites, les émotions sont fondamentalement marquées du sceau de l'imprévisibilité. Elles ne peuvent être un simple " rouage " pour produire plus et mieux : elles introduisent un " grain de sable " qui vient parfois gripper la machinerie, pour le meilleur et pour le pire. L'attention aux émotions apparaît comme une manière de se relier aux autres, au monde et à soi, en se recentrant sur ce qui compte. Elle peut alors être pensée comme une forme de résistance et une voie d'émancipation.
Au fil d'une démonstration appuyée sur des exemples concrets, Aurélie Jeantet redonne aux émotions la place qui leur revient, dans leur spécificité, leur diversité, leur ambivalence, leurs effets multiples, et leur caractère potentiellement subversif.
À l'heure d'un capitalisme financiarisé et mondialisé, guidé par les impératifs de rentabilité maximale d'actionnaires peu soucieux de l'activité de la société, les coopératives, perçues comme une alternative concrète à l'ordre économique dominant, connaissent un regain d'intérêt aussi bien qu'un net essor. Ainsi des Scop (Sociétés coopératives et participatives) qui se distinguent par le fait que le personnel salarié détient au moins 51 % du capital et 65 % des droits de vote.
De l'expérience très médiatisée de reprise militante d'une entreprise mise à mal par de grands groupes – comme l'usine Fralib, près de Marseille, transformée en coopérative au terme d'une lutte de 1 336 jours –, aux petites coopératives de cadres dans le secteur des services, en passant par de grandes coopératives industrielles créées de longue date et devenues elles-mêmes des multinationales, les Scop concernent une grande variété de domaines et touchent des milieux sociaux très différents. Mais derrière le symbole et la vision enchantée, comment devient-on propriétaire et employeur sur le tard lorsque rien, dans le parcours scolaire ou les héritages familiaux, ne nous y prédispose ? Comment apprend-on à coopérer pour gérer une entreprise, à prendre les décisions en matière de salaires, de promotions ou d'orientation économique ? De quelles façons se recomposent les rapports sociaux quand ce sont les travailleurs et les travailleuses qui endossent le rôle des actionnaires ?
En mobilisant études de terrain, analyses statistiques, entretiens et questionnaires, cette enquête de vaste ampleur interroge la manière dont se construisent au quotidien des conceptions originales de la coopération, de la propriété commune et de l'intérêt collectif.
Entre la peur et compassion, entre le besoin de sécurité, de limites et de frontières d'une part, et le sentiment d'un devoir de sauvetage des victimes d'un monde chaotique d'autre part, y a-t-il place pour un principe partagé, universel, qui ferait des migrants, plutôt qu'un problème, une cause pour tous, au sens d'une épreuve qui nous tire en avant, vers la compréhension et le désir d'un monde commun ?
Ces dernières décennies, un phénomène juridique et politique d'ampleur a vu le jour : l'immixtion du droit dans la sphère intime
des individus.
Cet ouvrage vise à montrer la prise en compte croissante de la dimension psychique des personnes par l'État. L'intérêt porté à l'intériorité ne se limite plus à la volonté et à ses déclinaisons, mais s'ouvre désormais à l'identité, au sexe, à la souffrance, à la filiation psychiques comme au libre épanouissement et au bien-être. Désormais, les préjudices d'anxiété ou les troubles de stress post-traumatiques sont juridiquement reconnus, et les comportements psychiques encadrés au même titre que les comportements physiques. Cette évolution marque l'émergence d'un sujet psychique dans la sphère juridique et invite à repenser les usages du corps dans le droit et la science du droit.
Cet ouvrage déplace le regard vers la dimension intérieure de la personne et s'attache à identifier, décrire et analyser les normes juridiques visant un fait psychique. Comment sont-elles organisées ? Comment évoluent-elles ? À quelles conditions est-il possible de connaître concrètement un fait par nature non directement observable ? Quels procédés et nouvelles sciences les acteurs du droit mobilisent-ils
pour s'en emparer ? Dans quelle mesure l'encadrement juridique
des psychismes individuels est-il devenu un enjeu majeur de nos politiques publiques ?
L'introduction de la psyché dans le droit d'États démocratiques constitue une nouvelle étape décisive de la modernité et la psychépolitique un nouveau versant de la biopolitique contemporaine.
Les mèmes, ces images ou séquences d'images fixes ou animées, transformées et détournées, inondent le web et nos messageries. Personne n'y échappe. Ils circulent sur Internet, à la portée de tout un chacun, pour nous faire rire, pour critiquer ou donner à penser.
Parfois regardée avec mépris, cette nouvelle manifestation de la pop culture recèle un monde complexe, qu'il faut pénétrer pour en saisir toute la richesse. Car si les mèmes sont des formes humoristiques, ils disent beaucoup sur le monde, l'actualité et sur nous-mêmes. Pas seulement pour se moquer, mais aussi pour dénoncer, pour soutenir une cause ou, tout simplement, exprimer nos peurs, comme on l'a vu pendant la pandémie.
Populaire, proliférante et massive, la culture du mème méritait un décryptage. Avec son regard de sémiologue, François Jost en décortique la mécanique, nous en révèle les ressorts, les usages et leurs rôles social et politique.
Une excursion passionnante dans notre quotidien numérique.
Avec l'avènement de la démocratie, le rire apparaît comme un bien commun, partagé par tous et irriguant la totalité de l'espace public. Ce rire démocratique prend aussi appui sur la puissance de propagation et d'innovation des nouvelles industries médiatiques, qui acquièrent un poids économique et une force de frappe incomparables : acteur majeur de notre culture moderne du loisir et du divertissement, le rire s'est imposé à tous et constitue aujourd'hui l'un des moteurs de la société marchande et du consumérisme. Mais le rire répond aussi à un besoin anthropologique plus large : il soulage face aux angoisses de l'existence, et permet d'expérimenter le plaisir de la connivence sociale et celui de la fantaisie imaginative.
Pour lui restituer toute sa richesse, cet ouvrage a choisi de multiplier les angles d'approche, en proposant à la fois une histoire culturelle du rire, une description de ses formes et des techniques utilisées, une réflexion théorique sur ses usages dans l'espace social.
Tous les aspects du rire y sont envisagés de façon transdisciplinaire : des catégories du risible aux cibles du rire, de l'esthétique du rire à son usage au service des idéologies – à travers les beaux-arts, la littérature, la caricature, les arts de la scène, la télévision et les médias, la publicité, internet. Dans cette encyclopédie stéréoscopique du rire, abondamment illustrée, on aura encore plaisir à retrouver, au fil des pages et des images, toutes les grandes figures de l'humour depuis près de deux siècles. Il s'agira donc de prendre au sérieux la culture du rire, et de mesurer le rôle capital qu'elle a pu jouer dans l'histoire de notre modernité.
" Chacun sait que la publicité cible prioritairement notre cerveau reptilien. " L'affirmation issue des colonnes d'un grand quotidien français témoigne du succès de la notion proposée par le neuroscientifique américain Paul D. MacLean au tournant des années 1960. Elle s'inscrit dans une théorie générale du cerveau qui rapporte à une part archaïque de notre héritage évolutif un ensemble d'attitudes " primaires " : instinct sexuel, défense du territoire, agressivité...
Tôt considéré comme erroné puis obsolète sur le plan scientifique, le " cerveau reptilien " n'en a pas moins connu une formidable carrière, retracée ici dans une enquête qui conjugue une étude de sa formulation, des analyses de ses circulations ou réappropriations – d'Arthur Koestler à Michel Onfray, en passant par Alain Resnais – et une ethnographie de certains cercles thérapeutiques invitant aujourd'hui encore, pour vivre mieux, à accepter le " crocodile " dissimulé en nous.
Pourquoi et comment se diffuse une théorie fausse ? Cas limite, le " cerveau reptilien " permet d'envisager à nouveaux frais la question de la diffusion des savoirs dans la culture, et ainsi des rapports entre science et société.